En 2012, le Japon comptait encore près de 15 000 librairies contre seulement 6 000 aux Etats-Unis.
Comme dans d’autres parties du monde, le Japon n’échappe pas à la crise du papier. Aujourd’hui, les Japonais passent plus de temps à pianoter sur leur téléphone portable ou leur tablette qu’à lire. Il y a encore quelques années, il était possible de déterminer les tendances en observant les lectures des usagers du train qui profitaient de leur temps de parcours parfois un peu long pour se plonger dans des ouvrages ou des magazines. Désormais, ils préfèrent regarder la télévision, échanger des messages ou lire leurs courriels plutôt que de tourner les pages d’un bon vieux livre. Même le secteur porteur des mangas ne se porte plus aussi bien qu’au début des années 1990 quand ses ventes battaient tous les records. Pas étonnant que les éditeurs fassent grise mine et que les libraires connaissent des moments difficiles. C’est notamment le cas des petites librairies de quartier qui ferment les unes après les autres. On en comptait un peu moins de 15 000 en 2012 contre près de 26 000 en 1982. Non seulement elles perdent leur clientèle d’habitués, mais elles ont du mal à résister à la concurrence des sites de vente en ligne.
Néanmoins, elles sont nombreuses à résister. Le livre n’a pas dit son dernier mot au pays du Soleil-levant même si les statistiques soulignent, années après années, cette tendance, notamment chez les jeunes, à se détourner de la lecture. A Tôkyô où se concentre une grande partie de la population, la résistance des libraires s’organise. C’est ce que nous avons voulu vous montrer dans cette série de reportages qui mettent en avant des initiatives originales, parfois audacieuses, de libraires plus ou moins importants qui veulent encore croire à l’avenir du papier. Peut-être plus que partour ailleurs, le livre reste un objet précieux aux yeux de nombreux Japonais. Comme un bijou que l’on cherche à mettre en valeur, certains libraires lui accordent un soin tout particulier dans le seul but de favoriser la connaissance et le rêve. S’il s’agit d’un commerce, la vente d’ouvrages constitue avant tout, pour ces amoureux des livres, un désir de transmission d’une expérience ou d’un savoir. Le lieu peut tout aussi bien faire 12 000 mètres carrés que 17 mètres carrés, l’ambition reste la même. Les différents établissements que nous avons sélectionnés ont en commun cette volonté, ce qui explique sans doute pourquoi ils sont souvent bien achalandés. Certains s’appuient sur leur histoire sans pour autant se reposer sur leurs lauriers tandis que d’autres innovent et prennent des risques pour s’assurer que les livres, malgré notre propension à s’en détacher, continueront à exister dans notre société de plus en plus dématérialisée. En ce sens, Tôkyô est un laboratoire qui vaut d’être observé et analysé.
Odaira Namihei