L'heure au Japon

Parution dans le n°147 (février 2025)

Derrière ce décor enneigé qui peut faire rêver, une grande partie de la population de cette région rurale ne s'est pas remise d'une année très éprouvante. / Eric Rechsteiner photo pour Zoom Japon Nous leur avions fait une promesse. Zoom Japon est retourné voir les habitants de la péninsule. La ligne de train Nanao, endommagée par le violent séisme de magnitude 7,6 qui a dévasté la péninsule de Noto le 1er janvier 2024, a repris du service. Opérée par les Chemins de Fer de Noto, elle longe la côte découpée jusqu’à Anamizu et traverse de pittoresques paysages recouverts d’une fine couche de neige. Vue du train, la région semble inhabitée, seules les bâches bleues en plastique qui recouvrent de nombreux toits et pierres tombales rappellent qu’une catastrophe s’est produite. Puis, à mesure que l’on pénètre dans la péninsule, des quartiers rectilignes de petites maisons préfabriquées apparaissent, ce sont des hébergements provisoires bâtis à la hâte pour les rescapés du tremblement de terre qui a fait près de 500 victimes. Shûden Katsuyoshi a perdu 85 % de ses rizières. / Eric Rechsteiner photo pour Zoom Japon Après le train, seule la route permet d’atteindre le fin fond des vallées de l’Oku-Noto. Alors que la région souffrait du manque de neige l’année dernière, c’est le trop plein cette année, d’une neige étonnamment lourde et humide, au point que les arbres s’écroulent sous son poids. La famille de Shûden Katsuyoshi, 71 ans, riziculteur dans le village de Tôme, qui s’était retrouvée terrifiée par les violentes secousses de janvier (voir Zoom Japon n°139, avril 2024), n’a pas osé se réunir cette année dans la grande demeure familiale. L’année a donc débuté avec des fêtes du Nouvel an réduites au strict minimum, seul son fils aîné est venu passer une nuit dans la ferme centenaire. Voilà ce qu'il reste des rizières de M. Shûden après les ravages du séisme et de l'eau. / Eric Rechsteiner photo pour Zoom Japon A Tôme, le riz est cultivé depuis les temps anciens dans des rizières en terrasses, bâties au fond des vallées, en utilisant l’eau qui jaillit des montagnes (voir Zoom Japon n°114, octobre 2021). Les importants dégâts causés dans les rizières par le tremblement de terre de janvier 2024 avait, dans un premier temps, donné l’impression aux agriculteurs qu’il serait impossible de planter au printemps suivant mais, grâce au soutien de nombreux volontaires et au temps clément, ils avaient pu surmonter cette épreuve. Cependant, alors que le riz était juste sur le point d’être récolté, les pluies torrentielles des 21 et 22 septembre ont à nouveau provoqué des glissements de terrains, plus importants encore, qui ont enseveli les rizières en terrasses sous des montagnes de terre, de sable et de pierres.Au moment où les riziculteurs semblaient enfin pouvoir se remettre du séisme, ces pluies diluviennes les ont pris au dépourvu. Les sols fragilisés par les secousses sismiques ont en effet cédé sous les trombes d’eau, il est tombé entre le 21 et le 22 septembre 500 mm de pluie. Alors que six mois avaient suffit pour réparer les dégâts causés par le tremblement de terre, il faudra au moins entre deux et trois ans pour remettre en état les rizières englouties par des torrents d’arbres, de pierres et de sable. Les habitants de cette région au climat rude, pourtant résistants de nature, sont gagnés par le désespoir. Il n’y a aucune chance que les rizières puissent être reconstruites rapidement, ni qu’il soit possible d’y planter du riz. Le village de Tôme, et ses riziculteurs sans rizières, risquent donc la disparition de ce qui a été leur fonction première, et leur raison d’être depuis des siècles, la culture du riz.Shûden Katsuyoshi n’a pas été épargné, 85 % de ses rizières ont été détruites. “Mais, explique-t-il, ce sont les personnes dont la maison a été dévastée qui sont les plus affectées, elles n’ont pas la force de reconstruire ou de s’engager dans la remise en état des parties communes du village et se replient sur elles-mêmes.” La population de Tôme est en forte chute, sur 70 familles présentes avant les deux catastrophes, seules 45 demeurent. Certaines personnes patientent dans des logements provisoires, d’autres sont parties en maison de retraite, d’autres encore ont rejoint leur famille en ville. Un tiers des riziculteurs de cette petite communauté a déjà pris la lourde décision d’abandonner leur travail.Ainsi Hoshiba Ieyoshi, 80 ans, un âge raisonnable pour la retraite, même au Japon, aurait bien aimé poursuivre son activité, mais il a dû renoncer. Sa maison a été très endommagée par le séisme, puis ses rizières détruites par les pluies diluviennes et les glissements de terrains qu’elles ont provoqués. Hébergé avec son épouse dans un logement provisoire, il résiste aux appels de sa famille de rejoindre la ville, Kanazawa, le chef-lieu de la préfecture d’Ishikawa, et aimerait pouvoir continuer à vivre dans le village. Hoshiba Ieyoshi ne reprendra pas son activité rizicole après les pluies torrentielles de septembre. / Eric Rechsteiner photo pour Zoom Japon “Les inondations ont été pires que le séisme”, affirme-t-il sans hésiter. “Les tremblements de terre, on a l’habitude à Noto, mais de telles...

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