
Les prétendants au titre de premier “découvreur” de l’art japonais ne manquent pas. Le nom de Baudelaire qui aurait reçu des estampes en 1861 revient souvent, mais il ne le revendiqua pas. L’historien d’art et chroniqueur Léonce Bénédite affirma que le talentueux graveur Félix Bracquemond fut bien le premier car il trouva, en 1856, chez son imprimeur Auguste Delâtre “un petit livre bizarrement broché à couverture rouge. Ce livre venait de très loin. En raison de sa matière souple et élastique, il avait servi à caler des porcelaines du Japon. Bracquemond l’ouvrit avec curiosité, fut frappé soudainement par ces esquisses rapides, prodigieusement vivantes et expressives, de petits métiers de jongleurs, de danseuses, d’enfants, de paysages, d’animaux, d’insectes et de fleurs.” Delâtre ne voulut pas s’en défaire, mais Bracquemond finit par l’obtenir au bout de plusieurs mois et le montra à tous ses amis. Ce petit livre, il l’ignorait encore comme tous les amateurs d’art japonais, n’était autre qu’un volume de la Manga de Hokusai. Bracquemond devint l’un des plus fervents japonisants et fut à l’origine du célèbre “Service Rousseau” pour lequel il utilisa des dessins de Hokusai et de ses disciples, en les plaçant de façon asymétrique, formant ainsi un nouveau décor. C’est aussi à ce moment-là que les artistes et gens de lettres découvrirent les estampes japonaises. Alors que les Japonais ne leur accordaient qu’une simple valeur médiatique, ludique ou pédagogique et qu’il ne leur serait pas venu à l’idée de les conserver, les japonisants se prirent pour elles d’une véritable passion. “L’arrivée des premières estampes produisit une véritable commotion. [...] Le plus modeste album était disputé chèrement. On courait les boutiques à l’affût des arrivages [...] Les dessins convenaient plus spécialement aux peintres, aux amateurs érudits. Arrivés par milliers et quoique souvent gâtés...
