
Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser aux râmen ? Barak Kushner : Il y a deux raisons qui se rejoignent. En premier lieu, je m'intéressais aux rapports entre la Chine et le Japon, sous l’angle notamment de l'expérience individuelle. J'avais envie de me pencher sur la relation sur le long terme entre les deux pays. Il existait quelques ouvrages en japonais sur le rôle des Chinois dans les années 1860. Cela a attiré mon attention et m'a fait réfléchir à ce symbole de la cuisine nippone que sont les râmen et qui, en même temps, sont tellement chinoises. J'ai alors voulu étudier leur développement. Mon premier contact avec les râmen a eu lieu à Yamada, une petite ville de pêcheurs sur la côte nord-est de l'archipel. Elle a été durement touchée par le tsunami du 11 mars 2011 et en partie détruite par un incendie, y compris l'endroit où j'ai découvert les râmen. Quand j'y vivais, je passais tous les jours devant devant un immeuble gris qui semblait fermé pour rejoindre l'école où j'enseignais l'anglais. Il n'y avait jamais de lumière et aucune activité. Je trouvais un peu étrange de trouver ce genre de lieu dans une petite ville. Mais comme j'étais incapable de lire le japonais, je n'avais aucune idée de ce qu'était en réalité ce bâtiment. Le mystère s'est éclairci le jour où un de mes collègues m'a emmené manger vers 2 heures du matin après une longue soirée bien arrosée. Le fameux bâtiment était en réalité un restaurant de râmen du nom de Rokumon que l'on peut traduire par “six sous”. C'est à ce moment-là que j'ai découvert que les râmen étaient un plat absolument délicieux. C'était la première fois pour moi et j'en suis devenu accro. J'ai alors découvert que les râmen étaient le plat de ceux qui font la fête. Et tous les clients de Rokumon semblaient tout aussi émêchés que nous l'étions nous-mêmes. Après ça, je me suis rendu compte qu'il y avait de nombreux restaurants de râmen dans la ville et que les Japonais aimaient les consommer à n'importe quel moment de la journée. Puis en tant qu'historien, je me suis dit que les râmen étaient un excellent exemple sur lequel je pouvais m'appuyer pour examiner l'histoire du Japon et voir comment ce plat s'était imposé en interaction avec la Chine et pas seulement sous l'influence de l'Occident ou de forces internes. Les relations avec le voisin chinois avant et pendant le règne des Tokugawa sont très importantes pour le Japon, mais elles ont largement été ignorées par les chercheurs au cours des 50 dernières années. Au regard des tensions actuelles entre le Japon et la Chine, peut-il y avoir une diplomatie de la cuisine ? B. K. : C'est une question intéressante. Je ne pense pas que les échanges au niveau alimentaire soient en mesure d'apaiser les tensions entre les deux pays puisque la plupart des gens des deux côtés connaissent mal cette question. En tout cas, les rapports culinaires entre le Japon et la Chine prouvent que les deux pays ...
