L'heure au Japon

Parution dans le n°108 (mars 2021)

Le 15 mars 2011, aux alentours de midi. Quatrième édition du journal mural collée sur la devanture d’une supérette. / Ishinomaki Hibi Shimbun Depuis le 11 mars 2011, Zoom Japon entretient une relation spéciale avec l’Ishinomaki Hibi Shimbun. Rien que d’y repenser, j’en ai encore des frissons. Ce ne sont pas les terribles images de destruction qui restent à jamais gravées dans ma mémoire qui provoquent cette réaction. Pourtant, en parcourant plusieurs sites frappés par cette catastrophe, j’ai pu mesurer à quel point la nature pouvait être féroce avec l’homme lorsqu’elle se met en colère. Je me souviens encore de ces bâtiments à Onagawa, littéralement arrachés du sol avant d’être retournés comme des crêpes par la puissance de l’eau. J’ai encore en tête cette forêt de pins dont les arbres avaient épousé la forme de la vague pour ne pas être arrachés, l’impression d’avoir devant soi, la fameuse estampe de Hokusai. Mais en arrière-plan, il n’y avait pas le mont Fuji, mais des maisons détruites et des champs décolorés par le sel. Comment pourrai-je oublier ce bateau ou cette rame de train transportés à des centaines de mètres de leur lieu habituel par le caprice d’une mer déchaînée ? Tout cela reste à jamais gravé dans ma mémoire, et lorsqu’elles se manifestent, je ne peux pas m’empêcher de me rappeler toutes celles et tous ceux qui ont été emportés. Parmi eux, des amis qui n’ont pas eu la chance, la possibilité ou peut-être le réflexe d’aller se réfugier à une distance ou une hauteur suffisante pour se protéger. Ils avaient pourtant été avertis du tsunami, mais les données dont ils disposaient alors prévoyaient au pire une vague de 3 mètres. Dans certains endroits, elle dépassera les 15 mètres et s’enfoncera loin dans les terres. Quand je songe à eux, des larmes me montent aux yeux, mais je me remémore les bons moments passés ensemble, une sorte de consolation.Ce qui provoque mes frissons est évidemment lié à cette catastrophe, mais cela n’a rien à voir avec ces souvenirs de chaos et de mort. Il s’agit d’une rencontre. D’abord à distance, parce que je ne pouvais pas me rendre sur place immédiatement. C’est ma prise de contact avec Ômi Kôichi, directeur du quotidien local d’Ishinomaki, la ville la plus touchée par les événements tragiques du 11 mars 2011. Cela n’a pas été facile parce que les communications avec cette partie de l’Archipel étaient erratiques. Quelques jours avant de pouvoir communiquer avec le patron de l’Ishinomaki Hibi Shimbun, un de mes amis qui habitaient alors dans la petite cité portuaire, m’avait alerté sur l’initiative prise par cette publication. Privé de ses rotatives, dans l’incapacité d’imprimer son journal, il avait décidé avec les membres de son équipe de concevoir un quotidien avec des feutres et le papier d’un paper board. Le journal était ensuite recopié en plusieurs exemplaires avant d’être affiché dans les centres...

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