
Suivant l’exemple des musiciens qui ont trouvé des moyens de distribution originaux, quelques rares auteurs tentent des expériences. En août 2009, Satô Shûhô, auteur d'Umizaru, l’ange des mers [publié en français par Kabuto] et Say Hello to Black Jack [éd. Glénat], avait défrayé la chronique et mis en émoi le monde de l’édition, en lançant son site (http://satoshuho.com). Non seulement le dessinateur faisait clairement allusion à ses conflits avec des éditeurs comme Shôgakukan et Kôdansha, mais il annonçait son projet de publier ses œuvres en ligne. Il a depuis fermé son site personnel pour ouvrir un espace plus ambitieux baptisé Manga on Web (http://mangaonweb.com) où il promeut notamment de jeunes auteurs. La volonté clairement exprimée par le mangaka était de sortir du système dans lequel il se sentait enfermé. “Logiquement, ça ne devrait pas être facile. Ce que je veux faire, des maisons d’édition et des sites Internet l’ont déjà tenté et aucun d’entre eux n’a réussi. Mais il me semble que c’est une chose intéressante qu’il y ait des gens pour entreprendre d’autres choses. C’est clair que je ne gagne plus d’argent avec les magazines, mes livres de poche ne se vendent plus et mes albums non plus. Mais je ne veux surtout pas rester là à regarder la situation se détériorer sans rien faire. Certes, je suis en colère contre mes éditeurs, mais je ne cherche pas la confrontation, je veux juste que mes mangas continuent à êtres lus. Avant que la situation ne devienne ingérable, je veux tenter quelque chose. Bien sûr, les éditeurs cherchent eux aussi des moyens de sortir de cette mauvaise passe, mais il est essentiel, à mon avis, que les auteurs, les écrivains, proposent eux aussi des solutions”, avait-il répondu, quelques mois après le lancement de son premier site, quand on l’interrogeait sur son initiative. On sent aujourd’hui que l’exemple de Satô Shûhô est de nature à inspirer d’autres auteurs, y compris dans le domaine de la littérature. Les écrivains constatent un recul de la lecture en général et estiment que les éditeurs ne font pas assez d’efforts pour répondre à cette situation. Fin 2010, l’écrivain Murakami Ryû et le musicien Sakamoto Ryûichi ont travaillé ensemble à la création d’une œuvre mêlant musique et écriture qui n’a été distribuée dans un premier temps que sur support électronique. Utau Kujira [La Baleine qui chante], tel est son titre, a reçu un bon accueil du public. Reste qu’une édition papier a tout de même été publiée quelques mois plus tard. L’arrivée du Kindle, la multiplication des tablettes numériques devraient cependant accroître le nombre de ces initiatives, d’autant que des écrivains (voir l’interview ci-dessous) manifestent ouvertement l’envie de changer un système qui n’est plus adapté. Odaira Namihei Interview : Shimada Masahiko, l’artisan entrepreneur Votre désir de réformer le système actuel est-il lié aux événements du 11 mars ? Shimada Masahiko : Le 11 mars a évidemment été un grand choc pour tout le monde. Au niveau des artistes et des écrivains, comme moi, il a été extrêmement ressenti. Avant qu’il ne se produise, le sentiment que le Japon vivait une grave crise était...
