L'heure au Japon

Parution dans le n°63 (septembre 2016)

heure du the

Amoureux du thé vert, Sakurai Shin’ya invite ses clients à redécouvrir la profondeur culturelle de cette boisson. Il n’est pas évident d’être un élément culturel traditionnel au Japon de nos jours. Prenez le sumo, par exemple. Même si on le présente encore comme le sport national, il y a longtemps qu’il a été supplanté dans le cœur du public par le baseball et le football. On peut dire la même chose du thé vert. Pour beaucoup d’Occidentaux, il reste la boisson nationale (sans alcool) en tant que complément indispensable de la cuisine japonaise mais, comme le sumo, il a été remplacé par des produits venus de l’étranger : le thé anglais et le café. On trouve des cafés et des salons de thé à chaque coin de rue. En revanche, découvrir un lieu spécialisé dans le thé japonais relève de la gageure. Heureusement pour les amateurs de ryokucha, le maître de thé Sakurai Shin'ya a récemment transféré sa boutique Souen dans le centre de Tôkyô, à Minami Aoyama, le quartier tendance de la capitale et Zoom Japon est allé à la découverte de ce nouvel emplacement. Après avoir été barman, Sakurai Shin'ya est tombé sous le charme du thé en devenant responsable du magasin de thé Higashiya (voir p. 16) et du restaurant Yakumo Saryo, tous deux créés par le designer Ogata Shin'ichirô. “En plus d’apprendre la cuisine et la pâtisserie japonaises, j’ai appris à connaître de nombreuses sortes de thé”, explique-t-il. “J’ai été étonné par la profondeur et la variété des saveurs et j’ai commencé à apprécier le travail acharné et patient qu’exige cette tradition. Il m'a fallu 12 ans pour maîtriser l'art de préparer du thé.” En 2014, il a décidé de se lancer en solo et a ouvert Souen à Nishi Azabu, avant de déménager à Minami Aoyama en juillet. Au cours de ces années, Sakurai Shin'ya a développé ce que l’on peut considérer comme une cérémonie du thé des temps modernes. Son modèle d'inspiration est Baisao, un moine bouddhiste de la période Edo qui est devenu célèbre pour avoir popularisé le thé vert et avoir démocratisé la cérémonie du thé qui restait le privilège de l'aristocratie. Au cours de ce processus, il a remplacé le matcha (thé vert en poudre) par le sencha (feuilles de thé entières). Suivant les principes révolutionnaires de Baisao, Sakurai Shin'ya n’opère pas sur des tatamis. Il travaille derrière un comptoir et prépare le thé en mêlant gestes traditionnels et mouvements de barman. Il vérifie d'abord la température de l'eau avant de la verser d'une tasse à l’autre pour la refroidir. En procédant ainsi, il obtient la température idéale pour préparer notre thé : le gyokuro. “Perle de rosée” si on traduit son nom en français est un des thés verts japonais les plus hauts de gamme. A la différence d’un sencha ordinaire, le gyokuro. “Perle de rosée” est un thé de pénombre, ce qui lui donne une saveur raffinée unique. Il est moins amer que le thé cultivé en pleine lumière et possède un degré élevé d'umami. Sakurai Shin'ya réalise trois infusions différentes, chacune un peu moins infusée que la précédente. Il sert la troisième comme un cocktail glacé (son expérience de barman revient au galop) avec une infusion de shiso et de lime. Chez Souen, on peut aussi essayer des boissons plus fortes telles que le thé...

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