
Comment évaluez-vous la notion de made in Japan aujourd’hui ? Hara Kenya : Je crois que la notion de made in Japan telle qu'on l'a connue après la Seconde Guerre mondiale n'a plus sa raison d'être aujourd'hui. Sur le plan industriel, la production et la conception de produits exportables n'est plus d'actualité puisque tous les autres pays d'Asie font la même chose. En résumé, je dirais que nous vivons la fin du made in Japan de l'après guerre. Voilà pourquoi il est indispensable de réfléchir à la définition d'un nouveau concept de made in Japan. Nous sommes à un moment très important qui marque un passage de témoin entre deux époques. Comment cela doit-il se traduire ? H. K. : Jusqu'à présent, le Japon a privilégié au niveau industriel la production de masse qui se caractérisait par sa grande qualité. Toutefois, ces normes sont désormais déclinées dans le reste du monde et le Japon n'a pas les moyens de rivaliser avec des produits de même niveau, mais fabriqués à moindre coût. Le nouveau concept de made in Japan doit donc s'établir sur d'autres bases comme l'esthétique. La culture japonaise est ancienne. Elle s'appuie sur une histoire millénaire et homogène. C'est un atout important à partir duquel il est possible d'ériger un concept original tourné vers le futur. Nous devons oublier les téléviseurs ou les réfrigérateurs pour nous tourner vers l'habitat, le sens de l'accueil, le tourisme ou encore l'assistance médicalisée qui sont des domaines importants pour l'avenir de l'archipel. Et votre rôle dans la définition de ce concept, quel est-il ? H. K. : En tant que designer et artiste, j'ouvre des pistes pour le futur et j'essaie d'imaginer ce qu'il pourra advenir. Pourriez-vous développer votre conception ? H. K. : La culture est liée à un territoire somme toute assez limité. Elle peut être rattachée à une vision locale des choses. Aussi, on peut se demander si la culture japonaise peut apporter sa contribution au reste du monde. Les Japonais, notamment pendant les années de très forte croissance, n'ont jamais cherché à projeter leur culture au-delà de leurs frontières. Ils ne pensaient en ce temps-là qu'à l'argent et à sa circulation. La culture dans sa dimension esthétique était totalement négligée. Ce n'est plus le cas...
