L'heure au Japon

Parution dans le n°13 (septembre 2011)

En 1979, Hasegawa Kazuhiko a réalisé L’homme qui a volé le soleil, thriller autour du nucléaire. Il revient sur ce film culte. Comment vous est venue l’idée de ce film ? Leonard Shrader était tombé sur un numéro spécial du magazine américain Assassin intitulé “Devenez le premier à faire une bombe atomique dans votre quartier” ou quelque chose dans ce genre. Leonard s’est dit que c’était une idée géniale, un type qui vole du plutonium et construit sa propre bombe A. Il a d’abord proposé le film à Dustin Hoffman avant de m’en parler. Nous nous étions rencontré peu avant et le fait que je sois originaire de Hiroshima a été une sorte de déclic pour lui. Cependant, le premier scénario qu’il m’a presenté était un film à la sauce hollywoodienne. Ça se terminait dans un avion pour le Brésil et un sac plein de billets de banque. Ça m’a mis en rogne. “Mais qu’est-ce-que tu veux que je fasse avec un truc pareil ? Fais-moi quelque chose de plus lourd bon sang ! ” lui ai-je lancé. Il m’a répondu du tac au tac : “Tu veux un truc à la Taxi Driver ? Es-tu sûr de pouvoir assurer ?” Je lui ai dit que c’était exactement ce que je voulais ! Il paraît que le film a changé plusieurs fois de titre. Au début, j’ai intitulé le film La Bombe qui rit (Warau genbaku). Je ne voulais pas réaliser un énième film dramatique sur la bombe atomique. Des personnes ont tout de suite réagi, en me disant : "Comment osez-vous sortir un film pareil, avez-vous pensé aux atomisés ? " Je les ai écoutés, puis je leur ai répondu que j'avais pensé à tout cela en concevant mon film. J'ai ajouté que j’avais été moi-même atomisé dans le ventre de ma mère et je leur ai demandé : "Et vous, quel genre d'atomisés êtes-vous ?" Il y a eu un grand silence. Je me suis alors dit que pour une fois ma condition de victime de la bombe était une veine. Finalement, c’est la Tôhô qui nous a obligés à changer de titre, car ils ne voulaient pas que le mot “bombe” apparaisse. Après plusieurs propositions, on est enfin tombé d’accord sur L’Homme qui a volé le soleil (Taiyô wo nusunda otoko). Pouvez-vous nous parler de Hiroshima, de votre expérience en tant qu’atomisé ? Deux fois par an, des Américains de l’ABCC (Atomic Bomb Casualty Commission) venaient me chercher en jeep pour que je passe une série d’examens. Ce centre de recherche sur les atomisés était un endroit terrible où l’on se servait des victimes pour effectuer des tests sans les soigner. Mais j’étais enfant, on me donnait du coca et je pouvais sécher l’école. C’est comme ça, comme un cobaye, que ma vie d’atomisé a commencé. Puis un jour, je suis rentré à la maison et je n’ai pas trouvé le journal du soir à sa place habituelle. Je l’ai longtemps cherché avant de le trouver caché dans un placard. Dedans, il y avait un article qui parlait de la mort d’un enfant atomisé dans le ventre de sa mère. Je devais avoir 10 ans à l’époque, mais cet épisode a transformé ma relation à la vie. Je me suis dit que, moi aussi, j'allais mourir bientôt. Depuis ce jour, je me suis dépêché de vivre comme si demain allait être mon dernier jour. Cette conviction de mourir jeune a-t-elle influencé votre carrière ? Oui. Au début, je voulais être musicien. Puis, je me suis tourné vers le cinéma, car je me suis dit qu’en tant que réalisateur j’avais plus de chance de percer avant de mourir. Cette idée de la mort m’obsédait, je courais partout. A 22 ans, j’ai passé un examen pour faire partie de l’équipe de réalisation du metteur en scène Imamura Shôhei. Finalement, j’ai eu de la chance et j’ai été reçu premier. Après cela, j’ai abandonné mes études pour entrer chez Imamura Pro. A 30 ans, j’étais désespéré de n’avoir toujours pas fait de film quand finalement j’ai pu tourner Le Meurtrier de la jeunesse. Mon plus grand choc fut de me rendre compte, à 40 ans, que j’étais toujours en vie. Je ne comprenais pas. Quelque part ça me révoltait. Cette relation à la jeunesse et à la mort est présente dans mes films, je pense. Votre premier film est une satire tirée d’un fait divers.  Pourquoi avoir choisi ce thème ? Le ...

Réservé aux abonnés

S'identifier S'abonner

Exit mobile version