
La vision du Mont Fuji réserve toujours un moment magique, voire mystique. / Gianni Simone pour Zoom Japon Figure historique hors du commun, l’ancien yakuza est devenu l’un des promoteurs de l’ouverture du pays. Après deux nuits passées à Shimoda (voir Zoom Japon n°107, février 2021), j’ai pris le premier bus en partance pour Toi, sur la côte ouest de la péninsule d’Izu. De là, j’ai traversé la baie de Suruga en ferry pour atteindre ma prochaine destination, Shimizu.Dès que le ferry a quitté Toi, le Mont Fuji est apparu derrière le cap dans toute sa beauté majestueuse. Je sais que “majestueux” est un mot tellement banal et galvaudé, mais je ne peux pas trouver de meilleur terme pour rendre hommage à une montagne aussi magnifique et parfaite. Ce n’était même pas le meilleur moment pour le voir depuis le ferry. Le vieux Fuji-san est à son meilleur en hiver, lorsque l’air est limpide et que le ciel bleu profond constitue un arrière-plan parfait pour le volcan enneigé. Ce jour-là, il était gris et un peu flou, entouré de nuages blancs et cotonneux. Pourtant, j’ai passé un quart d’heure à le contempler, comme en transe. Parce que, quels que soient la distance et l’angle de vue, le Mont Fuji a un pouvoir quasi-mystique qui vous transfigure, peu importe le nombre de fois que vous le voyez. On ne s’habitue jamais à sa perfection.Et vous ? Apparemment, j’étais le seul à ne pas pouvoir le quitter des yeux. Mes compagnons - pour la plupart des familles japonaises avec des enfants, et quelques couples – s’empiffraient de takoyaki (boulettes de poulpe), de frites et de glace pilée. D’autres somnolaient dans leur siège. Lorsque je me suis réveillé de ma rêverie, je suis allé à l’intérieur, dans la zone climatisée, et j’ai participé au concours de ronflements.Je dormais encore lorsque, vers midi, notre ferry a fait son entrée triomphale à Shimizu, le quartier portuaire de la ville de Shizuoka. Dommage, car il est considéré - avec Kôbe et Nagasaki - comme l’un des trois plus beaux ports du Japon.La position idéale de Shimizu au milieu de la côte orientale du Japon en a fait historiquement un site stratégique et un centre commercial important. Même Tokugawa Ieyasu, le premier Shogun de l’ère Edo, s’est installé dans cette région lorsqu’il a pris sa retraite, ce qui a entraîné le stationnement d’une garnison navale à Shimizu. Le port a également été ouvert au commerce extérieur en 1899, une décision qui a coïncidé avec l’arrivée de la machine à vapeur et la modernisation industrielle.En commençant par l’exportation de thé vert, le port a commencé à traiter des produits de Shizuoka et de ses régions voisines - d’abord des agrumes et des conserves, puis des motos et des instruments de musique de renommée internationale. Suzuki et Yamaha sont tous deux implantés dans la préfecture de Shizuoka. Le port a réagi rapidement à l’avènement de l’ère des conteneurs pour devenir l’un des principaux exportateurs du pays et jouer un rôle important pendant la période de forte croissance économique.Cependant, la scène qui s’est déroulée devant mes yeux lorsque j’ai débarqué était bien différente. C’est peut-être l’heure de la journée où le soleil tape le plus fort sur la ville, mis j’y ai trouvé quoi qu’il en soit une ville complètement endormie, presque dépourvue de population. Ces dernières années, la région a élaboré des plans pour lutter contre la concurrence d’autres ports comme Yokohama et Nagoya, “créer de l’animation” et attirer davantage de touristes. Près du front de mer, par exemple, ils ont construit le S-Pulse Dream Plaza, un complexe commercial standard qui abrite le musée du sushi de Shimizu (le premier du pays), un magasin de football (l’équipe S-Pulse de Shimizu fut l’une des fondatrices de la J-League, le championnat professionnel en 1993) et le Chibi Maruko-chan Land, un musée consacré au personnage d’anime créé par Sakura Momoko, une artiste née à Shimizu. ...
