L'heure au Japon

Parution dans le n°33 (septembre 2013)

Lorsque Tôkyô accueille les Jeux Olympiques en 1964, de nombreux quartiers changent. Qu’en reste-t-il ? Pour la plupart des pays, être désigné pour organiser les Jeux Olympiques (JO) n’est pas seulement une source de fierté nationale. C’est aussi un événement d’une grande portée qui transcende le sport et les aide à ouvrir un nouveau chapitre de leur histoire. A cet égard, les Jeux d’été qui se sont déroulés à Tôkyô en 1964 ont joué un rôle crucial. Après sa défaite en 1945, le Japon était devenu une sorte de paria dans la communauté internationale, connaissant même une période d’occupation jusqu’en 1952. Pendant ces années, un sentiment d’inutilité et de résignation a prévalu au sein de la population dont l’une des expressions les plus usitées étaient shikata ga nai (on ne peut rien y changer). Les Jeux Olympiques sont alors devenus l’acte final d’un incroyable programme de reconstruction qui s’est réalisé en une vingtaine d’années et s’est traduit par une transformation de la capitale elle-même. Compte tenu du fait qu’il s’agissait des premiers JO organisés dans un pays qui n’était ni blanc ni occidental, le Comité Olympique japonais a fait tout ce qui était en son pouvoir pour montrer le meilleur visage possible de Tôkyô, faisant même appel au soutien financier de l’Etat alors que le règlement olympique stipulait que les Jeux devaient être organisés par les villes et non par les gouvernements nationaux. L’engagement de l’Etat et de la capitale s’est traduit par des dépenses qui ont surpassé toutes les éditions précédentes. Un village olympique tentaculaire a vu le jour à Yoyogi tout comme le nouveau siège de la chaîne publique de télévision NHK construit à proximité. Les deux sites, conçus par l’architecte Tange Kenzô, qui constituent le gymnase national sont toujours en place de nos jours. Ils symbolisent cette approche de l’architecture urbaine qui vise à mélanger tradition et modernisme. Les deux bâtiments inspirés visiblement par des modèles orientaux sont dans l’axe du sanctuaire Meiji (Meiji jingû) dédié au premier empereur du Japon moderne. Le gouvernement a profité de l’organisation des JO pour planter quelque 20 000 arbres dans les rues et dans les parcs de la capitale. En procédant de cette manière, il essayait de raviver le paysage de la ville tel qu’il existait avant d’être en partie détruit par les bombardements américains pendant la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, les ormes du Japon (keyaki), qui ont été replantés dans la fameuse avenue Omotesandô, sont là aujourd’hui pour nous rappeler les années 1920 quand le sanctuaire Meiji a été construit.                   Comme de nombreux visiteurs étrangers étaient attendus, l’aéroport de Haneda a été modernisé pour pouvoir accueillir les nouveaux avions et relié au centre de la capitale par un monorail ultra moderne. C’est aussi l’époque au cours de laquelle de nombreuses lignes de train et de métro ont été inaugurées, comme la fameuse ligne de train à grande vitesse, Shinkansen, entre Tôkyô et Ôsaka, inaugurée neuf jours avant l’ouverture officielle des JO. Les routes ont été élargies ou même créées lorsqu’elles n’existaient pas dans la capitale et sa banlieue. C’est le cas de l’autoroute métropolitaine qui dessert toute la région dans le but d’améliorer le trafic routier. A cette époque, cela paraissait comme futuriste à tel point que le cinéaste soviétique Andreï Tarkovski a inclus un long plan de cette autoroute dans son film Solaris réalisé en 1972. Toutes ces routes étaient supposées faire de la place aux kei kâ (voitures légères) que l’on produisait pour favoriser la motorisation du pays. Pour construire l’autoroute métropolitaine, plusieurs rivières et canaux ont été recouverts tandis que dans d’autres quartiers, elle a été construite au-dessus des voies d’eau. Le gouvernement a procédé de cette manière car cela lui évitait d’avoir à acheter des terrains ou à exproprier. Une des victimes les plus...

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