L'heure au Japon

Immigration au Japon actu
A droite toute ! Les dernières élections ont vu une poussée des partis les plus conservateurs / Odaira Namihei pour Zoom Japon
La question des étrangers agite les esprits dans l’archipel depuis plusieurs mois. Les élections sénatoriales de juillet en ont été l’illustration avec la montée en puissance de partis hostiles à leur présence et soutenus par les jeunes.

Les élections à la Chambre haute, en juillet, qui se sont soldées par une défaite cuisante du Parti libéral-démocrate (PLD), ont vu l’émergence de nouvelles formations situées plutôt à droite sur l’échiquier politique. Ces dernières ont surtout bénéficié du soutien des jeunes électeurs favorables à une baisse des impôts, à des restrictions en matière d’immigration et à une rupture avec le statu quo politique incarné par le PLD qui a gouverné le pays presque sans discontinuité depuis 1955. Cela témoigne du fossé générationnel grandissant au sein de la population alors que le pays a basculé dans une phase de dépopulation. Le plus frappant dans cette élection, c’est que le PLD, pourtant conservateur sur bien des questions, a été dépassé sur sa droite par des partis encore plus durs. Les grands gagnants de dimanche sont deux partis d’extrême droite qui n’existaient pas il y a cinq ans. Si le Japon a déjà connu par le passé des mouvements anti-establishment éphémères, le Parti démocrate du peuple (Kokumin Minshutô) et le Sanseitô semblent avoir fait une percée beaucoup plus importante auprès des jeunes électeurs, séduits par leurs promesses d’augmenter les salaires stagnants, de réduire le nombre de travailleurs étrangers et de briser l’emprise des générations plus âgées sur la politique.


Leurs slogans ont trouvé un écho auprès des jeunes électeurs dont les revenus n’ont pas augmenté ou qui se sentent mal à l’aise face à la présence croissante d’étrangers sur le territoire japonais. Depuis l’éclatement de la bulle financière et la mise en œuvre de réformes ayant favorisé une précarisation du marché du travail, la jeunesse nippone a été la principale victime de ces transformations et elle n’a jamais vu une réelle amélioration lui permettant de se projeter dans l’avenir. Cette situation explique aussi en partie pourquoi le Japon n’a pas enregistré le baby-boom que les démographes avaient pourtant anticipés. Dans un pays où seulement 2 % des enfants naissent hors-mariage (contre près de 60 % en France), l’absence de perspectives a favorisé l’accélération de la baisse des unions maritales, et donc des naissances dans la mesure où les conditions de vie ne s’annonçaient pas clémentes. Le résultat du scrutin du 20 juillet, notamment le vote des jeunes, illustre parfaitement le désenchantement de la jeunesse nippone qui se montre ainsi plus sensible à des discours outranciers et des promesses d’un avenir plus radieux. Les nouveaux partis nationalistes ont su exploiter les frustrations des personnes en âge de travailler qui vivent dans une société en phase de vieillissement rapide. La crainte de voir une arrivée massive d’étrangers susceptibles de bénéficier de meilleures conditions a aussi joué un rôle dans leur mobilisation, ce qui a aussi encouragé ces formations politiques à brandir cette menace pour attirer leurs suffrages.


Les jeunes électeurs ont rejeté non seulement le PLD, mais aussi le plus grand groupe d’opposition libéral établi, le Parti constitutionnel démocrate (Rikken Minshutô), qui a également soutenu des politiques populaires auprès des électeurs plus âgés. Ce qui explique pourquoi chez les hommes et les femmes de plus de 60 ans, les préférences de vote se sont inversées, la moitié d’entre eux ayant voté pour ces deux principaux partis établis. Depuis les élections et la démission du Premier ministre Ishiba Shigeru qui a tenté de rester en place malgré les pressions, la question des étrangers reste au cœur des préoccupations et continue de diviser l’opinion publique. Selon un sondage du Nihon Keizai Shimbun publié le 28 juillet, 45 % des personnes interrogées ont répondu qu’il fallait « accroître » l’accueil des étrangers. Ce chiffre est à peu près équivalent à celui des personnes interrogées qui y sont défavorables (46 %). Si l’on examine les résultats par parti politique, 60 % des partisans du PLD et du Parti constitutionnel démocrate ont répondu « oui » alors que 60 % des partisans du Parti démocrate du peuple et du Sanseitô ont répondu « non ».


Dès lors, il ne faut pas s’étonner de voir le thème des étrangers faire l’objet de nombreuses propositions. L’une des plus récentes provient du Nippon Ishin no Kai, un important parti d’opposition, qui propose au gouvernement de fixer un plafond au pourcentage de résidents étrangers dans le pays, affirmant qu’une telle mesure est essentielle pour éviter les conflits et les fossés avec la communauté locale. Bien qu’il ne mentionne pas de chiffre précis pour ce plafond, il estime qu’une proportion de ressortissants étrangers supérieure à 10 % de la population totale risquerait de modifier fondamentalement la société japonaise. Cette idée n’est que la dernière d’une multitude d’autres allant du durcissement des règles relatives à la conversion des permis de conduire délivrés à l’étranger en permis japonais et le non-paiement des cotisations au système national de santé par les résidents étrangers. Le ministère de la Justice a également annoncé une révision de la politique d’immigration du pays en août. Pour des motivations différentes de celles existant dans d’autres pays, le Japon est lui aussi confronté au débat sur l’immigration, mais ce sont les jeunes qui y sont les plus hostiles, ce qui le distingue et rend l’issue du débat plus incertain et peut-être plus radical qu’ailleurs.

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