L'heure au Japon

Parution dans le n°99 (avril 2020)

Une partie de vos travaux ont porté sur l’intégration par le mariage et par le travail dans la société. En quoi ces deux éléments fondamentaux ont-ils changé depuis que vous avez posé le pied au Japon en 1973 ? M. J. : Quand je me suis établie au Japon, il était considéré comme “normal” voire “naturel” de se marier, modèle qui n’était guère remis en cause puisque plus de 95 % des personnes interrogées affirmaient leur intention de se marier. Une pression certaine s’exerçait en ce sens et les célibataires avaient toujours l’option de dire qu’ils n’avaient pas eu la chance de rencontrer l’âme sœur, réponse qui permettait de se protéger. On est “normal”, mais on n’a pas eu la chance de faire “la” rencontre (unmei no deai). Cela évitait d’avoir trop à se justifier. Une enquête effectuée en 2017 auprès de 230 jeunes entre 20 et 25 ans, qui venaient de se faire embaucher révélait que 82,6 % d’entre eux avaient l’intention de se marier (23 % avec la personne qu’ils fréquentaient et près de 60 % izure, c’est-à-dire “un de ces jours”, quand l’occasion se présenterait). Rares étaient ceux qui disaient d’emblée qu’ils n’avaient aucune intention de se marier (7 %), par choix ou faute d’avoir les moyens d’entretenir une famille. Pourtant, le fait est que 35,6 % des hommes et 23,1 % des femmes entre 35 et 39 ans sont encore célibataires. L’écrivain Nirasawa Akiko annonce même une époque où il sera aussi normal d’être seul qu’en couple… Dans Going Solo (éd. Penguin Books, inédit en français), le sociologue Eric Klinenberg montre que ce phénomène n’est pas propre au Japon, les Américains considérant qu’il s’agit du changement démographique le plus notable depuis le baby boom. Dans Pourquoi l’amour fait mal (Seuil, 2012), la sociologue Eva Illouz interprète la difficulté de ...

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