L'heure au Japon

Parution dans le n°58 (mars 2016)

Si les Japonais restent très marqués par la catastrophe de Fukushima Dai-ichi, le lobby nucléaire demeure puissant. Après la triple catastrophe du 11 mars 2011, beaucoup croyaient que le Japon tournerait définitivement la page du nucléaire. L’accident à la centrale de Fukushima Dai-ichi survenu après le violent séisme et le tsunami qui ont ravagé la côte nord-est de l’archipel a plongé le pays dans un état de sidération qui s’est rapidement traduit par une remise en cause par la majorité des Japonais de leur confiance aveugle envers l’atome. Au cours des décennies précédentes, ils avaient fini par se laisser convaincre que l’énergie nucléaire était leur amie et que la maîtrise technologique des entreprises nationales garantissait une sûreté à toutes épreuves. Le 18 février 1961, le Yomiuri Shimbun, principal quotidien du pays, affirmait que “si l’on suit à la lettre les critères de sécurité sans égal dans le monde, même si un séisme d’amplitude prévue venait à survenir, cela ne serait pas un problème. C’est vraiment ‘la sécurité avant tout’”. Cela a donné naissance au “mythe de la sécurité” (anzen shinwa), lequel a gouverné l’attitude des Japonais à l’égard de l’atome en dépit de la peur qu’il avait pu susciter après les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki en août 1945. L’Etat comme les entreprises en charge de la construction et de l’exploitation des centrales n’ont jamais cessé de tenir un discours rassurant à son égard, créant même dans les régions où elles ont été implantées une dépendance qui reste encore forte aujourd’hui malgré les événements d’il y a 5 ans. Jusqu’au 21 décembre dernier, on pouvait lire à l’entrée de la ville de Futaba l’inscription suivante : “le nucléaire, une énergie pour un avenir radieux”. C’est sur son territoire que la centrale de Fukushima Dai-ichi a été implantée et, si l’accident n’était pas survenu, deux autres réacteurs y auraient été construits tant l’argent des compagnies d’électricité – ici Tokyo Electric Power Co. (Tepco) – était devenu indispensable pour assurer le “bien-être” de ses habitants. Futaba est désormais une ville fantôme et sa population de 6 932 âmes a dû la quitter à jamais. Malgré ce traumatisme, cette inscription, symbole de l’emprise du nucléaire, est demeurée en place malgré les malheurs qui se sont abattus sur la petite cité. La disparition de cette fausse promesse a largement été relayée par les médias en décembre dernier comme pour signifier que le pays n’était plus dupe devant une telle assurance. Le “mythe de la sécurité” s’est bel et bien effondré. Les Japonais ne croient plus une seule seconde que le nucléaire soit une technologie sûre. Cinq ans après l’accident de Fukushima Dai-ichi, une grande majorité de la population (64,4 %) estime que l’atome représente encore un danger. Un pourcentage encore élevé si on le compare à celui de mai 2011 (72,1 %)...

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