
Les éditions Philippe Picquier publient un recueil de textes forts d’écrivains dont les bénéfices seront reversés aux sinsitrés. Après la triple catastrophe du 11 mars 2011 le Japon a reçu toutes sortes de chaleureuses et efficaces attentions, des quatre coins du monde, mais il a aussi fait l’objet d’un nombre infini de commentaires… Comment ne pas parler en effet d’un tel choc et, pour tenter de le comprendre, l’analyser, lui apporter toutes sortes d’explications, de raisons… Mais c’est sans doute pour faire un peu face (front ?) à tout cela que l’idée du présent recueil est née, en réaction aux messages voulus amicaux disant s’inquiéter de voir le Japon comme “un bateau en train de couler” et entraînant soudain des images de musiciens sur un pont déserté… Non, les Japonais ne jouent pas cette musique du désespoir. Cette réaction, Sekiguchi Ryôko l’évoque, dans un passage de son très éclairant livre Ce n’est pas un hasard [éd. POL 2011] : “ J’expérimente ce que c’est d’appartenir à un peuple dont le pays traverse un malheur, sur lequel les étrangers font toutes sortes de commentaires [… nous sommes] abasourdis par ce flux de paroles, sûr de son bon droit, qui nous réduit au mutisme quand nous aurions quand même notre mot à dire”. Merci Ryôko. Cet Archipel des séismes, c’est pour cela qu’il a été compilé, même si c’est de façon bien modeste, pour faire une place à “ce mot à dire”. C’est aussi un “retour au travail”, car après une période d’incertitude et d’abattement, vient le sentiment qu’il ne faut pas ajouter la paralysie à la catastrophe et qu’en faisant ce que l’on savait faire “avant”, il est possible, même à une très humble échelle, de participer à ce qui pourrait être une autre façon d’aborder le XXIème siècle et de réfléchir ensemble. Il nous est donc apparu que nous pouvions continuer, par le biais de la traduction, à faire entendre toutes sortes de voix qui commençaient à émerger, que notre “travail” était de faire notre possible pour qu’on ne se contente pas de parler des victimes, mais qu’en les laissant parler et en les écoutant, on puisse ensuite, autant que possible, leur parler. Ce recueil réunit des textes d’auteurs japonais, romanciers, poètes, essayistes, universitaires, artistes, publiés au Japon entre le lendemain du séisme et l’automne 2011. Ce sont autant de témoignages actuels des réactions, réflexions, actions déployées par ces femmes et ces hommes au cœur de la catastrophe. Nous souhaitons ainsi donner la parole aux Japonais eux-mêmes, victimes d’abord, mais aussi penseurs et acteurs de l’après-catastrophe. Ces textes déclinent dans leur diversité le courage, le deuil, la critique ou la révolte, mais aussi l’ironie ou l’humour noir – signes d’une force et d’une lucidité largement partagées. L’ensemble constitue un document essentiel pour mieux comprendre la société japonaise d’aujourd’hui, ses doutes sur le présent et ses espoirs d’une reconstruction sur des fondations renouvelées. Une autre histoire du XXIème siècle japonais est peut-être en train de s’écrire, et les enjeux nationaux, comme internationaux, sont considérables. Les textes rassemblés dans cet ouvrage ne donnent bien sûr qu’une première image : la situation continue d’évoluer, les réactions s’intensifient, les projets...
