L'heure au Japon

Parution dans le n°07 (février 2011)

Originaires pour la plupart de province, ils rejettent la vision de la musique telle qu’elle est diffusée depuis Tokyo. Ils revendiquent leurs racines et s’intéressent de plus en plus à des sujets de société. Dans tout le pays, des dizaines d’artistes et de groupes défendent le droit d’exprimer leurs différences. Ne plus se taire. Utiliser la musique pour s’affirmer ou pour faire entendre leur voix. Tel est désormais le credo de nombreux artistes nippons qui veulent grâce à leur talent participer à leur manière à l’affirmation de certaines valeurs et revendiquer leur droit à la parole. Si la plupart d’entre eux appartiennent à la scène indépendante et refusent les diktats de l’industrie musicale implantée à Tokyo, certains de ces musiciens ont réussi à imposer leur différence auprès des grandes maisons de disques. Celles-ci doivent, elles aussi, se ranger à l’idée que le monde de la musique est en train de changer et que le petit monde tranquille de la pop japonaise (J-pop) ne ronronnera plus tout à fait comme avant. Lorsque certains artistes comme le groupe RC Succession avaient tenté, en 1988, de dénoncer la place prise par le nucléaire dans l’archipel avec  Summertime Blues, sa maison de disques avait décidé de suspendre sa commercialisation malgré le succès remporté par l’adaptation  de la chanson d’Eddie Cochran. Au pays du consensus, il était dit qu’on ne pouvait pas aborder les questions qui fâchent ou qui dérangent. Imawano Kiyoshirô, leader de RC Succession, n’a pas pour autant abdiqué et a poursuivi une carrière solo au cours de laquelle il a utilisé son talent pour titiller une société qu’il jugeait un peu endormie. En 1999, dans son album Fuyu no jûjika [La Croix de l’hiver], il a repris Kimigayo, l’hymne national, sur un rythme rock désacralisant le morceau compilé en 905 et mis en musique en 1880 à la manière d’un Serge Gainsbourg, qui avait donné à La Marseillaise, un air de reggae. Le décès  d’Imawano Kiyoshirô en mai 2009 a suscité une énorme vague d’émotion dans tout le pays, mais son engagement et son désir de se servir de la musique pour faire entendre un discours différent des habituels refrains sans saveur entonnés par la plupart...

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