L'heure au Japon

Parution dans le n°147 (février 2025)

Tsurikichi Sanpei (Paul le pêcheur) est l'œuvre emblématique de Yaguchi Takao. / Odaira Namihei pour Zoom Japon Parmi les nombreux mangas où il est question de la nature, ceux consacrés à la pêche figurent en bonne place. Dans le monde de la bande dessinée japonaise, les éditeurs, toujours très occupés, sont constamment à la recherche de sujets intéressants à transformer en best-sellers potentiels. Tous les sujets sont bons à prendre, et la nature ne fait pas exception à la règle. Au cœur des préoccupations des Japonais, elle est devenue une thématique importante pour les mangakas qui ont multiplié les œuvres s’intéressant à cette problématique. Dans un pays où on ne compte plus le nombre de personnes qui aiment taquiner le goujon (voir Zoom Japon n°142, juillet-août 2024), la pêche est depuis longtemps un sujet de prédilection pour les mangas. Les années 1970 sont considérées comme l’âge d’or des mangas de pêche, tandis que, plus récemment, de nombreuses nouvelles bandes dessinées ont fait leur apparition dans les rayons des librairies. La liste suivante n’est qu’une petite sélection d’anciennes et de nouvelles bandes dessinées sur la pêche, présentées par ordre chronologique. Tsurikichi Sanpei (1973-1983, 2001-2010, 2018-2020)Connu sous le nom de Paul le pêcheur en France, ce n’est pas seulement le parrain des bandes dessinées sur la pêche, mais aussi le plus accompli d’un point de vue artistique. L’auteur Yaguchi Takao (voir Zoom Japon n°137, février 2024) était un artiste qui a magnifiquement dépeint les décors naturels de ses histoires. La première publication de ce manga dans le magazine Shônen Jump connut un tel succès qu’elle déclencha un essor de la pêche dans tout le pays dans les années 1970 et 1980.Le protagoniste, un garçon nommé Mihira Sanpei, est un génie de la pêche. Son grand-père était un maître fabricant de cannes à pêche. L’histoire tourne autour de son inépuisable soif de pêche. Ses premières aventures se déroulent dans la région du Tôhoku, c’est-à-dire le nord-est de l’archipel, où Sanpei vit (Yaguchi était lui-même originaire de la préfecture d’Akita et ses souvenirs d’enfance constituent la base de ses premières histoires), mais par la suite, il entraîne les lecteurs dans tout le Japon, des zones humides de Kushiro à Hokkaidô (voir Zoom Japon n°78, mars 2018), où Sanpei essaie d’attraper un poisson mythique, aux battures de la mer d’Ariake à Kyûshû, où il attrape des mudskippers sur un traîneau de boue. Sanpei se rend même au Canada et à Hawaï pour pêcher de gros poissons comme le saumon et le marlin.Comme Sanpei met constamment à l’épreuve ses talents de pêcheur, il voyage dans tout le pays pour affronter des poissons étranges et légendaires. L’une des histoires les plus populaires l’oppose au takitarô, un poisson géant qui vivrait dans l’étang d’Otoriike, dans la préfecture de Yamagata, mais que personne n’a jamais réussi à attraper. Le takitarô est en fait classé parmi les animaux mystérieux non identifiés, ce qui signifie qu’il pourrait appartenir au domaine de la fantaisie. Tsurikichi Sanpei a la particularité de comporter un “Yaguchi Fishing Corner” dans lequel l’auteur lui-même commente le contenu de son œuvre et explique les détails techniques des aventures de pêche de Sanpei. Tsuribaka nisshi (1979-aujourd’hui)“Le Journal d’un dingue de pêche”, si l’on traduit littéralement son titre, est l’autre best-seller de longue date dans le domaine de la pêche et, contrairement à Tsurikichi Sanpei, il est toujours publié en série dans le magazine Big Comic Original. Fruit du travail de Yamazaki Jûzô (scénario) et Kitami Ken’ichi (dessins), ce manga a même transcendé le monde de la bande dessinée et le fandom de la pêche puisqu’il a été transformé en une série de films populaires qui a duré 22 épisodes entre 1988 et 2009 dont le scénario a été écrit par Yamada Yôji (voir Zoom Japon n°49, avril 2015).Hamasaki Densuke, également connu sous le nom de Hama-chan, est un salarié ordinaire qui n’a aucune ambition professionnelle. Sa femme le pousse à se lancer dans un hobby pour impressionner son patron et progresser. Il se met donc à la pêche à contrecœur… et finit par en devenir dépendant. En conséquence, il s’éloigne de plus en plus de toute idée d’avancement dans la hiérarchie de son entreprise. “Après tout, dit-il, si je suis promu, j’aurai moins de temps pour pêcher.” Un jour, Hama-chan invite un vieil homme nommé Su-san, qu’il a rencontré par hasard, à aller pêcher. Or, Su-san n’est autre que le président de l’entreprise pour laquelle travaille Hama-chan.Cette œuvre est un peu un poisson étrange dans cette sélection, car, bien que la pêche joue un rôle central, le véritable cœur de l’histoire est l’étrange amitié de Hama-chan avec Su-san et les problèmes que son fanatisme cause dans sa vie professionnelle. En effet, cette série est populaire en tant que manga décrivant le quotidien du travail autant qu’en tant que saga de pêche. Mr. Tsuridoren (1996-2002)Le manga de Toda Katsuyuki raconte l’histoire légère de lycéens qui sont accros à la pêche à l’achigan. Le personnage principal s’appelle Hiwa Kôichi, un lycéen de première année qui veut rejoindre le club de basket-ball de l’école, mais qui s’inscrit par erreur au club de pêche. Là, il se lie d’amitié avec Chôta, un pêcheur expert qui prend Kôichi sous son aile.Ce manga est sorti alors que la mode de la pêche à l’achigan n’était pas encore retombée et il constitue un bon point d’entrée pour les débutants. Il comporte également de nombreuses parodies de célébrités populaires à l’époque, comme Sametaku (Sameura Takuya), qui s’inspire de Kimura Takuya, membre de l'ancien groupe d’idoles ultra-cool SMAP. Une référence plus obscure est Gyôrai Misa, une pêcheuse spécialisée dans les poissons à tête de serpent, qui est en fait un hommage à Kuroi Misa, le personnage principal du manga d’horreur classique Eko Eko Azarak des années 1970 de Koga Shin’ichi. D’ailleurs, le titre du manga, Mr. Tsuridoren, est un jeu de mots entre le terme tsuri (pêche) et le groupe pop-rock populaire M. Children.Bien qu’il s’agisse d’une œuvre à forte teneur comique, Toda prend la pêche très au sérieux. Les informations sur la pêche au bar sont présentées de manière professionnelle, clairement illustrées et faciles à comprendre, même pour les débutants. Okazu ga nakereba, sakana o tsureba ii janai (2016)Inédit en français, “Si vous n’avez pas de plat d’accompagnement,...

Réservé aux abonnés

S'identifier S'abonner

Exit mobile version