
Le redémarrage de la centrale d'Ôi,le 1er juillet, divise la population dans la région où elle est implantée. Dans le petit train qui longe la mer du Japon, un groupe d’écolières regarde un caméraman filmer sur le quai. “Je ne comprends pas tous ces gens qui viennent de Tôkyô pour parler du nucléaire, ils nous dérangent", dit l'une. Les deux autres gloussent. Depuis plusieurs mois, la tranquille ville d’Ôi, dans la préfecture de Fukui, est le théâtre d’une lutte antinucléaire et d’une polémique nationale autour du redémarrage des réacteurs de la centrale éponyme. Alors que l’archipel fonctionnait sans énergie nucléaire depuis mai 2012, Ôi est entrée dans l’histoire du Japon comme la première centrale à redémarrer après la catastrophe de Fukushima Dai-ichi. Une décision du gouvernement prise après les résultats des tests de résistance et lourdement remise en cause alors que l’accident de la centrale de Fukushima est loin d’être reglé. “Ce doit être des fous ou des gens qui n’ont rien de mieux à faire”, lance une autre écolière en parlant des manifestants antinucléaires. Elles ont 17 ans, et au Japon, protester ouvertement contre les initiatives du gouvernement n’est pas quelque chose de normal. Pourtant, depuis 1969 un petit village voisin du nom d’Obama s’est révolté à chaque incursion de l’Etat pour construire une centrale sur son bord de mer. Depuis février, il s’est aussi opposé massivement à la remise en marche d’Ôi, situé à une dizaine de kilomètres de la ville, sur la baie de Wakasa. Un site magnifique de criques et de montagnes où ont été installés 14 réacteurs. “On surnomme le coin, les Champs-Elysées du nucléaire !” plaisante Hato Masami, un pêcheur du village de Tomari. De sa maison, on peut voir, sur la presqu’île située en face, les dômes blancs de la centrale d’Ôi et un panneau qui indique “que les anciens sont heureux de voir jouer les enfants dans ce ravissant paysage”. “Nous avons juste réussi à sauver notre bord de mer, mais s’il y a un accident, on est bon pour l’évacuation", poursuit M. Hato. La baie de Wakasa qui représente la plus grande densité nucléaire au monde, est située au-dessus de plusieurs failles sismiques mais n’a pas encore connu de grands tsunamis. Un argument qui a servi au lobby nucléaire pour convaincre la population de ne pas s’opposer au rédémarrage. Une bonne partie des Japonais croit encore à la version officielle selon laquelle l’accident de Fukushima Dai-ichi a été provoqué par un “tsunami imprévisible”. Une version démentie il y a quelques mois par plusieurs commissions d’enquête : l’accident a été provoqué non seulement par le séisme, mais il a aussi été reconnu comme un “désastre crée par l’homme”. A Fukui, tout le monde se souvient du séisme de magnitude 7 en 1948. Mais de toutes les manières, il n’a pas fallu attendre un séisme pour avoir des accidents nucléaires dans la région. Le réacteur expérimental à neutrons rapides de Monjû a connu deux accidents graves et un incident à la centrale de Tsuruga a entraîné l’irradiation...
