
“Concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain”. Tel est le thème central de l'événement qui ouvrira ses portes le 13 avril 2025. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon 55 ans après celle de 1970, la capitale du Kansai organise sa deuxième exposition universelle. Les expositions universelles sont des phénomènes étranges. Ces événements s’apparentent à des cirques gigantesques dont les objectifs sont de présenter les nouvelles technologies de pointe, les échanges culturels et l’image de marque d’une nation. Elles varient en taille, en étendue et en portée mondiale, et Ôsaka a déjà accueilli l’une des éditions les plus réussies de tous les temps.L’Expo ’70 s’est tenue à Suita, dans la préfecture d’Ôsaka, entre le 15 mars et le 13 septembre 1970. Il s’agissait de la première exposition universelle en Asie et, à l’époque, de la plus grande de l’histoire. Elle a été organisée pour commémorer le 25e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et réaffirmer la place du Japon sur la scène internationale. Si les Jeux olympiques de Tokyo de 1964 (voir Zoom Japon n°33, septembre 2013) avaient symbolisé la réadmission du Japon au sein de la communauté mondiale, l’Expo ’70 a mis en lumière les réalisations d’un pays qui, deux ans auparavant seulement, était devenu la deuxième puissance économique mondiale après les Etats-Unis, avec une croissance annuelle moyenne allant jusqu’à 9 % entre 1955 et 1973.Après les Jeux olympiques de 1964, qui ont connu le même succès, de nombreuses entreprises, chercheurs, architectes et artistes ont été employés pour construire des pavillons, produire des œuvres vidéo et audio et créer des expositions. Des projets à grande échelle ont été réalisés dans toute la préfecture en préparation de l’événement, notamment la construction de routes, de voies ferrées et de métros, et le gouvernement japonais a dépensé plus de 650 milliards de yens pour des projets liés à cet événement.D’autre part, la mobilisation d’artistes pour un événement national d’une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale a été critiquée dans le monde culturel et artistique, et des étudiants ont également lancé un mouvement d’opposition, affirmant que l’Expo détournerait le public du débat sur la révision du traité de sécurité nippo-américain, également prévue pour 1970.Malgré les controverses, ce projet sans précédent a connu un succès retentissant, avec 78 pays représentés et 64,2 millions de visiteurs, le chiffre le plus élevé de l’histoire de l’événement jusqu’à ce qu’il soit dépassé par l’exposition universelle de Shanghai en 2010 (73,09 millions). Ce chiffre équivaut à 60 % de la population japonaise de l’époque. De plus, alors que toutes les expositions avaient perdu de l’argent jusqu’alors, celle de 1970 a réalisé un bénéfice de 19,2 milliards de yens, soit plus de 200 milliards d’euros au taux de change actuel.Le véritable cerveau de l’exposition d’Osaka est Sakaiya Taichi, un bureaucrate qui deviendra plus tard célèbre en tant qu’écrivain. Travaillant alors au ministère du Commerce international et de l’Industrie (MITI), il était le chef de section du bureau de préparation de l’Expo et dirigeait le comité de planification (il participera également à l’organisation de l’Expo 75 sur le thème de la mer à Okinawa). Il a persuadé les milieux politiques et financiers, peu au fait des expositions universelles, et réussi à faire venir l’Expo dans sa ville natale.La conception générale du site de l’Expo a été confiée au célèbre architecte Tange Kenzô, tandis que l’artiste Okamoto Tarô a été choisi comme producteur de l’exposition pour le pavillon thématique, considéré comme le cœur de l’événement. Selon Sakaiya Taichi, le choix du producteur de l’exposition a fait l’objet d’un litige jusqu’à la toute fin. Il avait proposé le nom d’Okamoto, alors âgé de 59 ans, qu’il avait rencontré sur un bateau à Okinawa et qui l’avait profondément impressionné. Cependant, personne au MITI ne le connaissait. Il a donc eu recours à une solution qui ne fonctionnerait probablement qu’au Japon : il a montré à ses collègues de vieux mangas d’Okamato Ippei, le père de son poulain. Les bureaucrates ont été tellement impressionnés qu’ils ont finalement accepté de nommer l’artiste, estimant que “quelqu’un de non conventionnel serait bien”.Okamoto Tarô l’était certainement et était considéré comme une sorte de loup solitaire dans le monde de l’art nippon. Sa première réaction a été de décliner l’invitation. Finalement, après avoir consulté ses amis et cédé à l’insistance de Sakaiya, il a donné son accord, s’attirant ainsi les foudres des étudiants contestataires qui l’accusèrent de soutenir le pouvoir. Cependant, dès qu’il devint producteur de l’exposition, il s’attaqua au thème de l’exposition, “Progrès et harmonie pour l’humanité”. Selon lui, l’humanité n’avait atteint ni le progrès réel ni l’harmonie.Comme l’écrit en détail Hirano Akiomi, actuel directeur du musée commémoratif Okamoto Tarô, les expositions universelles ont d’abord été des foires commerciales internationales et ont été considérées par beaucoup comme une sorte de Jeux olympiques culturels où “chaque pays éclaire les masses sous le couvert du divertissement. Les pavillons étincelants, chacun portant le message de son pays, sont là pour embellir le modernisme occidental et la mondialisation. Okamoto...
