
Il y a très exactement vingt ans, Muriel Jolivet, sociologue et fine observatrice de l’évolution des mœurs dans l’archipel publiait un remarquable ouvrage intitulé Un pays en mal d’enfants : Crise de la maternité au Japon [éd. La Découverte]. Ce livre de référence était d’autant plus pertinent à l’époque qu’il faisait écho à une prise de conscience dans l’archipel de cette situation catastrophique. Dans la presse japonaise, la publication du taux de natalité symbolique de 1,5 enfant par femme cette année-là a fait l’effet d’une bombe. On a alors commencé à parler du “choc démographique” comme on parlait vingt ans plus tôt du “choc Nixon” lorsque le président américain avait décidé de suspendre l’indexation du dollar sur l’or. S’appuyant sur un travail d’enquête et de nombreux entretiens, Muriel Jolivet avait mis en évidence les causes de cette situation inquiétante. La chute de la natalité montrait que les jeunes femmes japonaises, qui sont parmi les plus instruites du monde, avaient de plus en plus de mal à accepter les conditions dans lesquelles on leur demande toujours de vivre leur mariage et leur maternité. Les jeunes mariées redoutaient la perte du travail habituellement liée à la grossesse, puis la solitude et l'isolement liés à la naissance. Elles vivaient mal le “spleen de la carrière interrompue” lorsqu’elles...
