
Tyler Walkey Sous l’impulsion du designer Unosawa Keisuke, une supérette d’un nouveau genre redynamise une zone en déclin. Dans une région montagneuse de l’île Shikoku, aux confins de la préfecture de Tokushima, le village Nakachô-Kitô ne compte plus que mille habitants et fait partie de ce que les autorités nomment genkai-shûraku, ces “villages-limites” dont plus de la moitié des habitants a dépassé 65 ans. Fujita Yasushi y est né, en 1973. Il vit maintenant entre Tôkyô et Kitô, et, avec le designer Unosawa Keisuke (www.unosawa.com), né à Tôkyô en 1964 et résidant à Yokohama (“je ne peux pas vivre loin des néons !” dit-il en riant), il a créé la société Kito Design Holdings (KDH), en 2017. Ce konbini, supérette élégante et aérienne inaugurée en avril 2020, est devenu l’emblème d’un travail de promotion de projets visant le développement durable de la région.Unosawa Keisuke, directeur artistique de KDH (https://kito-dh.jp/en/) explique comment son métier a pris de l’ampleur avec une réflexion globale sur les besoins d’une région à laquelle il consacre maintenant 80 % de son temps de travail “et même de ma vie !” dit-il avec un grand sourire. Le Mirai-Konbini conçu par Unosawa Keisuke participe à la redynamisation de la région de Kitô. / Naoya Hatakeyama “J’ai rencontré Fujita il y a une bonne quinzaine d’années : je me suis occupé de la création d’image de la société Media Do, spécialisée dans les développements numériques, qu’il a fondée en 1999. En 2017, nous avons créé Kito Design Holdings, pour regrouper les divers projets dont nous parlions depuis quelques années en vue de faire revivre sa région natale. Globalement, Fujita pense les stratégies et en organise les financements, moi, je les mets en forme : ma fonction dépasse la conception de bâtiments et produits, je considère mon travail comme une mise en relation conceptuelle et formelle de l’ensemble de nos projets.Dans le cadre de KDH nous gérons Ôgon-no-mura (village doré) pour la culture et la transformation du cédrat yuzu, ressource essentielle de Kitô (avec l’exploitation des forêts de cèdres qui est plutôt en régression) et que le père de Fujita a développée (la plupart des plantations japonaises de yuzu sont issues de Kitô) et aussi sauvée de l’engloutissement sous les eaux d’un barrage contre lequel il s’est battu ; cette activité relancée par Fujita en 2013 connaît une bonne croissance, grâce à la création de nouveaux produits (jus, confitures, essences pour la pâtisserie etc.) et le développement des ventes à l’intérieur du Japon mais aussi à l’étranger, en Thaïlande et en France, notamment. Nous gérons aussi le Camp Park Kito, un petit ensemble bain thermal-hôtel-restaurant-bungalows (pour ce nouveau type de détente à la mode anglo-saxonne, dit glamping : glamour et camping) également équipé pour l’accueil de séminaires d’une centaine de personnes, niché au fond de la vallée, au bord de la magnifique rivière Nakagawa. En ce début d’année 2022, les fukubukuro (sacs-surprises) étaient en vente au Mirai-Konbini. / Naoya Hatakeyama Je suis ravi de l’écho obtenu par notre Mirai-Konbini et de son espace Yuzu café, tant au Japon qu’à l’étranger. Les dix distinctions reçues en 2021, dont le très prestigieux prix allemand du design Red Dot - Best of the Best 2021, décerné pour la première fois à une réalisation japonaise, le grand prix japonais du design d’espace 2021 Kûkan Design, le prix hongkongais Sky Design 2021, nous confortent dans l’idée que nous sommes sur une bonne voie et que faire ce que nous pensons être beau et utile n’est pas une erreur. L’avis du comité du Red Dot me touche particulièrement : “un lieu où se prépare un futur que la région n’imaginait plus…”. J’ai le sentiment que cette distinction va marquer un tournant dans l’évaluation de projets architecturaux et de design dans le monde : dorénavant, le récit qui les soutient, leur ancrage dans un lieu et le temps, me semblent devoir être davantage valorisés.Pour la construction du Mirai-Konbini, j’ai défini et dessiné les concepts de base puis nous avons demandé à trois cabinets d’architectes de présenter un projet. Nous avons retenu les sociétés Kokuyo et Gen, car c’était celles avec lesquelles je me sentais le plus d’affinités et qui, par leurs connexions avec Tokushima, pouvaient aussi assurer une bonne logistique pour une construction à deux heures et demie de route de Tokushima et à plus de 1 000 mètres d’altitude. J’ai conçu un espace en longueur, ouvert sur le côté et non de face (comme c’est semble-t-il la règle pour les konbini) pour qu’il n’y ait pas de césure dans les grandes baies vitrées qui laissent voir l’intérieur du magasin et ouvrent sur le vaste paysage : montagnes ou immense ciel étoilé qui est aussi une caractéristique de Kitô… Les piliers en Y, d’un jaune éclatant, symbolisent les champs de yuzu. L’horloge électronique ancre le lieu dans le temps : toutes les photos du bâtiment sont naturellement...
