L'heure au Japon

Parution dans le n°123 (septembre 2022)

Le camphrier de 1200 ans et son sanctuaire. / Gabriel Bernard pour Zoom Japon La petite île de la mer Intérieure est l'illustration du vieillissement accéléré du pays et de ses conséquences. Ils ne sont plus que 19 habitants à vivre sur Shishijima, une petite île de la mer Intérieure située à 30 minutes environ du port de Miyanoshita, au nord-ouest de Shikoku. Leur moyenne d'âge dépasse les 80 ans, mais pour rien au monde ils ne quitteront leur île. Comme dans d'autres zones rurales du Japon où la population est vieillissante, il n'y a plus de commerce à Shishijima et beaucoup d'habitations sont vides depuis que leurs occupants sont décédés ou partis. Ses deux cimetières, une particularité de l'île, témoignent de sa lente déliquescence. Le traditionnel, qui donne lieu aux rituels et qui se trouve derrière les habitations à flanc de colline avec ses tombes en pierre, est envahi par les mauvaises herbes. Le second, à l'entrée du village, est composé de petits autels colorés en forme de maison. C'est là que l'on rendait visite aux défunts. Ils appartenaient à ce système de double sépulture (ryôbosei) en vigueur dans quelques rares lieux au Japon. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux sont effondrés, ce qui en dit long sur la dégradation générale des lieux. A 88 ans, Takashima Takako, toujours bon pied bon œil, cultive son vaste champ de fleurs qui domine l'île. / Gabriel Bernard pour Zoom Japon Cela ne signifie pas pour autant que les derniers habitants soient malheureux d'y vivre. Bien au contraire et le sourire de Takashima Takako, 88 ans, suffit à vous en convaincre. “Je suis bien ici. J'ai mon champ de fleurs, mon terrain où je cultive mes légumes et j'ai la mer tout autour de moi”, lance-t-elle, en désignant ce qui est le dernier morceau de terre cultivé de l'île que l'on aperçoit depuis le bateau qui la dessert trois fois par jour. Si elle vit en bas de la colline, près du port, Takako passe une grande partie de son temps au sommet de la colline qui domine Shishijima. Elle y a fait bâtir une petite maison où elle accueille quelques curieux qui font encore le voyage pour découvrir son vaste champ fleuri dont les couleurs vives contrastent avec le vert foncé de la forêt qui a repris ses droits sur le reste de l'île. “Ça n'a pas toujours été comme cela”, raconte-t-elle. Même s'il n'y a jamais eu beaucoup d'habitants à Shishijima, l'île était en partie cultivée et le reste de la population était composé de pêcheurs. Takako exerçait ce métier avant d'y renoncer en raison de son âge. Dans le petit port, les bateaux de pêche sont d'ailleurs à l'abandon. “Aujourd'hui, je ne mange plus que des légumes. C'est un comble quand on est entouré par la mer”, regrette-t-elle.Pour avoir une petite idée de ce à quoi l'île ressemblait il y a encore 30 ans, il suffit de regarder l'antépénultième volet de la série Otoko wa tsurai yo (C'est dur d'être un homme) réalisé par Yamada Yôji actuellement présentée à la Maison de la culture du Japon à Paris (MCJP). Intitulé Torajirô no endan [La proposition de mariage, programmé le 7 janvier 2023 à la MCJP], il a été en partie tourné à Shishijima. Sur les images, sa partie occidentale est en cultures alors qu'aujourd'hui,...

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