
Le polar japonais sort de l’ombre Valeur sûre de la littérature contemporaine, le roman policier a pourtant été ignoré par les éditeurs français. Ces derniers semblent désormais s’y intéresser, comme en témoigne la récente vague de traductions. Petit tour d’horizon chez les maîtres du mystère nippon. A chaque moment clé de leur histoire, les Japonais ont trouvé dans le roman policier un moyen d’exorciser leurs peurs. Tokyo est la cité du ‘mystère’ comme elle est celle de la ‘destinée’. Le Tokyo de l’endroit (omote) est complètement différent du Tokyo de l’envers (ura)". C’est en ces termes que Hasegawa Tôgai présentait la capitale japonaise dans son essai intitulé Tôkyô no kaibô (Autopsie de Tokyo) paru en 1917. L’atmosphère qui régnait dans la première ville du pays était "fiévreuse" pour reprendre le terme de la féministe et poétesse Takamure Itsue. Ce qui explique sans doute pourquoi l’écrivain Yumeno Kyûsaku recommandait alors aux Japonais de lire des romans policiers, car ils constituent "le meilleur traitement contre la diphtérie". Il utilisait cette métaphore médicale pour décrire la situation chaotique du Japon au début du siècle dernier lorsque celui-ci devait à la fois digérer les apports de son ouverture sur le reste du monde et s’imposer pour éviter de passer sous l’influence des Occidentaux. Cette période particulièrement agitée a été favorable à l’émergence de la littérature policière nippone au tournant des années 1920 avec entre autres Edogawa Ranpo dont le premier manuscrit La Pièce de 2 sen fut publié en avril 1923 dans la revue Shinseinen. Cette dernière a joué un rôle crucial dans la propagation du genre pendant plus de trente ans, contribuant à l’éclosion d’une école japonaise du roman policier, laquelle trouvait son inspiration dans une société en pleine mutation. De nombreuses valeurs du passé disparaissaient à mesure que l’urbanisation s’accélérait, contribuant à créer un certain malaise au sein de la population dont les auteurs de roman policier se sont délectés. En rapportant dans leurs écrits les peurs et les angoisses de leurs contemporains, les auteurs ont suscité un intérêt croissant pour leurs œuvres auprès d’un public qui y trouvait un moyen de se rassurer. Comme aimait à le rappeler Yumeno Kyûsaku, "la littérature policière, c’est le non-sens, l’humour, ...
