
A bien des égards, cette partie de la capitale fait davantage penser à une ville de province qu’à un quartier de la première cité du pays. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Hongô est l’un des nombreux quartiers de la capitale où les rues en pente sont nombreuses et chargées d’histoire. Tôkyô est souvent considérée comme une ville pour les piétons, probablement parce que la topographie de la plupart des quartiers les plus célèbres est assez plate. Cependant, Edo – comme la capitale s'appelait autrefois – a été construit à l'extrémité orientale du plateau de Musashino, dont la formation limoneuse (un mélange de sable, de limon et de cendres volcaniques) est très perméable et a été sculptée au fil du temps par les nombreuses rivières de la région pour former sept plateaux distincts divisés par un réseau de vallées.Le résultat est que Tôkyô est pleine de rues en pente et d'escaliers, dont certains sont assez raides. Dans les 23 quartiers spéciaux de la ville, on compte quelque 740 rues en pente (chacune d'entre elles portant un nom distinct). Quant aux escaliers, les 17 quartiers de la zone vallonnée de Yamanote en recensent 2 939. Dans les deux catégories, le quartier de Bunkyô est presque en tête de liste, et beaucoup de ces montées et descentes sont concentrées à Hongô, dans la partie orientale de l’arrondissement, où se trouvent de nombreux éditeurs, instituts de recherche et surtout le campus principal de l’Université de Tôkyô.Une promenade dans le quartier doit commencer à la station Hongô-Sanchôme sur la ligne Marunouchi du métro de Tôkyô. En direction du nord, notre point d’entrée dans le dédale de ruelles et d’allées s’appelle Tadon-zaka (zaka, ou saka, signifie “pente”). Son nom vient du fait qu'il y avait autrefois une forte concentration de commerçants qui vendaient du tadon ou “boulettes de charbon”, une sorte de combustible fabriqué en mélangeant de la poudre de charbon de bois et des algues rouges. Apparemment, le terme tadon fait également référence au fait que la dernière partie de la rue en pente était si raide que les personnes qui perdaient l'équilibre dégringolaient comme des pierres roulantes. Heureusement, cette section a été transformée en un escalier avec une balustrade au centre.Hongô est également un lieu où de nombreux écrivains ont passé une partie de leur vie, notamment Natsume Sôseki, Mori Ôgai, Ishikawa Takuboku, Tsubouchi Shôyô, Miyazawa Kenji et Higuchi Ichiyô, à tel point qu'on pourrait presque dire que la littérature japonaise moderne est née ici. Tsubouchi est considéré comme une figure séminale du théâtre japonais, mais il a également écrit des romans. Tôsei Shosei Katagi [Portraits d'étudiants de ce temps, inédit en français] est l’un des premiers romans modernes du Japon, et son livre de critique, Shôsetsu Shinzui [L'essence du roman, inédit en français], a donné une nouvelle dignité à l'écriture de fiction. Ils ont tous deux été publiés en 1885.En 1921, Miyazawa Kenji, âgé de 25 ans, quitte sa maison dans la préfecture d’Iwate et s’installe à Tôkyô après s’être heurté à son père au sujet de ses convictions religieuses et sociales. On dit que ce végétarien a écrit nombre de ses contes alors qu’il vivait dans cette région et se nourrissait de tofu et de pommes de terre. Cependant, il est retourné à Iwate après seulement sept mois quand il a appris que sa petite sœur bien-aimée Toshi était malade. Il mourra en 1933 à l’âge de 37 ans. En effet, la mort à un jeune âge est une caractéristique commune de plusieurs auteurs vivant à Hongô : Ishikawa Takuboku est décédé à 26 ans et Higuchi Ichiyô à 24 ans.La présence de Higuchi est encore fortement ressentie dans le quartier, à la fois parce qu'il reste quelques endroits liés à sa vie et parce que Hongô apparaît dans certaines de ses œuvres. Pour nous plonger dans le monde de cet auteur, il vaut mieux éviter pour l'instant l'escalier de Tadon-zaka et faire un détour par la gauche où l'on peut ressentir l'atmosphère suggestive du vieux Tôkyô tel qu’il était il y a de nombreuses années.C’est dans ce coin du quartier, entre Tadon-zaka et Abumi-zaka, que nous découvrons un groupe de vieilles maisons en bois entourées d’arbustes et d’arbres. Elles ont l’air assez délabrées et c’est un miracle qu’elles aient survécu jusqu’à ce jour. L’exploration de ces ruelles labyrinthiques ravive les souvenirs d’une ville qui, ailleurs, est presque oubliée.Enfin, après avoir descendu un autre petit escalier, nous arrivons à l’endroit où Higuchi a vécu pendant trois ans, de 1890 à 1893, entre 18 et 21 ans, avec sa mère et sa sœur. Bien que le bâtiment lui-même ait disparu, on peut encore trouver dans une cour tranquille un puits que l’on dit avoir été utilisé par l’écrivain. La pompe peut encore être utilisée pour tirer l’eau aujourd’hui, mais si vous voulez la boire, il est conseillé de la faire bouillir d’abord.Elle a vécu à trois adresses différentes autour de Hongô au cours de sa courte vie : lorsqu’elle était enfant, par exemple, elle vivait en face de la porte...
