
L’intérêt que le musicien a noué avec le Japon a largement contribué à construire sa légende et sa renommée internationale. Devant la maison natale de David Bowie située 39 Stansfield road, dans le quartier de Brixton, à Londres, des anonymes sont venus nombreux déposer des fleurs, des bougies et des messages. Parmi eux, celui de Kanako. Enveloppée dans du plastique pour éviter que la pluie ne l’efface, la lettre commence en anglais “Dear David Bowie” avant de se poursuivre en japonais. “出火吐暴威様”, “Cher David Bowie”… Kanako a choisi de transcrire en caractères chinois le patronyme du musicien disparu le 10 janvier 2016 à l’âge de 69 ans, comme l’avait fait, il y a plus de 40 ans, le designer Kansai Yamamoto sur les costumes de scène qu’il lui avait alors dessinés. “Celui qui crache des mots avec fougue”, traduction presque littérale des caractères choisis pour transcrire son nom, est à cette époque inspiré par le Japon “Je crois qu’en dehors de l’Angleterre, c’est le seul endroit où je pourrais vivre”, affirme-t-il dans un entretien paru dans le magazine britannique Melody Maker, le 24 février 1973. Il n’a pas encore renoncé à son personnage Ziggy Stardust qui, par de nombreux aspects, a beaucoup emprunté à un univers influencé par la culture japonaise. Sa tournée Aladdin Sane se terminera quelques mois plus tard à Londres. Enveloppé dans sa cape sur laquelle les kanji en noir et rouge renvoient au public son intérêt pour le pays du Soleil-levant, il annoncera la fin de cette phase importante dans sa carrière. Mais pour l’heure, le chanteur en est arrivé au point d’imaginer une installation dans l’archipel. Même s’il ne le fera jamais, le Japon a dominé les premières années de son parcours artistique, jusqu’au tournant des années 1980. Comme l’avaient fait d’autres artistes près d’un siècle auparavant, David Jones alias David Bowie se tourne vers l’art japonais car il exprime une nouveauté et une différence à laquelle il aspire. Il aurait pu reprendre à son compte les propos des frères Goncourt selon lesquels “l’art n’est pas un, ou plutôt, il n’y a pas un seul art. L’art japonais est un art aussi grand que l’art grec. L’art grec, tout franchement, qu’est-ce qu’il est ? Le réalisme du beau. Pas de fantaisie. Pas de rêve.” David Bowie veut justement sortir des carcans artistiques en vigueur à l’époque. A l’affût de nouvelles tendances avant qu’elles ne s’enracinent, le futur Ziggy Stardust comprend que le Japon peut l’aider à exprimer sa créativité et à marquer sa différence. Le moment est favorable, car l’ancien ennemi de la Seconde Guerre mondiale retrouve un droit de cité et son prestige auprès d’acteurs de la scène culturelle anglaise. Plusieurs expositions sur l’art japonais se déroulent dans la capitale britannique. Dans les milieux de la mode, on commence à s’inspirer de motifs venus d’Extrême-Orient tandis que des théâtres accueillent des spectacles de bunraku et de kabuki. David Bowie est sous le charme. Il prend des cours avec le chorégraphe Lindsay Kemp sur qui la danse, la musique et le théâtre...
