
Eurozoom sort la version restaurée de L’Œuf de l’ange, sublime œuvre expérimentale réalisée en 1985.
Quarante ans après sa réalisation, cette œuvre animée d’Oshii Mamoru conserve tout son mystère et suscite toujours autant d’interrogations pendant et après son visionnage. Ce n’est pas peu de dire que L’Œuf de l’ange reste difficile d’accès si l’on s’attend à un film construit de façon classique, c’est-à-dire sur un scénario bien charpenté avec une narration fluide destinée à conduire le spectateur vers une fin compréhensible. Il s’agit plutôt d’un essai animé à travers lequel le réalisateur de Ghost in the Shell utilise son savoir-faire pour bâtir un ensemble autour d’une succession d’images et de citations qui constituent une sorte d’hommage aux diverses influences cinématographiques du réalisateur japonais.
à moins d’être dans sa tête, il semble difficile de vouloir saisir le véritable sens de ce moyen métrage d’où il se dégage néanmoins un magnétisme qui tient le spectateur en haleine. Pourtant, la noirceur qui enveloppe le film aurait de quoi décourager d’autant que l’absence de dialogues réduits à quelques phrases du genre “Qui es-tu ?” répétées à plusieurs reprises ajoute à l’ambiance pesante de ce film expérimental, dont l’objectif est de montrer que l’animation peut produire des résultats tout aussi ambitieux que La Jetée (1962) de Chris Marker, l’une des références cinématographiques les plus importantes d’Oshii Mamoru. Puisqu’il a choisi d’aborder son film à la manière d’un artiste bien décidé à faire usage de diverses techniques cinématographiques, le réalisateur ne se prive pas d’avoir recours à de longs plans-séquences et des travellings qui accompagnent un formidable travail d’animation, notamment le mouvement des cheveux de la petite fille sur lequel le réalisateur a beaucoup travaillé. En rejetant intentionnellement toute dimension narrative dès le début, Oshii Mamoru ne permet pas au spectateur de savoir comment situer les personnages, en particulier la petite fille, dont les traits oscillent, donnant parfois l’impression qu’elle est plus âgée. Les personnages dessinés par Amano Yoshitaka donnent à l’ensemble une incroyable beauté sans laquelle beaucoup décrocheraient après les 15 premières minutes.
Sa rencontre avec un soldat armé d’une très longue épée en forme de croix constitue le point d’orgue au début, laissant supposer que l’histoire jusque-là centrée sur la jeune fille qui transporte un œuf dans un monde figé et englouti va connaître de nombreuses interactions. Intrigué par le contenu de l’œuf, il va la suivre jusqu’au moment où il finira par le casser pour en connaître le contenu, provoquant un cri d’horreur de la fille lorsqu’elle marche sur la coquille cassée. Elle s’enfuit et chute dans la mer où elle rencontre son double plus âgé puis expire l’air de ses poumons pour donner naissance à une multitude d’œufs avant de mourir par noyade. Le mystère demeure et aucune piste n’est fournie, si ce n’est que l’histoire se déroule sur un minuscule astéroïde au milieu de l’espace…
Bref, mieux vaut simplement se laisser emporter par cette œuvre hors du temps et que la restauration en 4K rend encore plus sublime.
Odaira Namihei
Référence
L’Œuf de l’ange (Tenshi no tamago) d’Oshii Mamoru, avec Hyôdô Mako, Nezu Jinpachi et Noda Keiichi. Couleurs. 1h11. 1985.
Au cinéma, le 3 décembre 2025.