L'heure au Japon

Parution dans le n°53 (septembre 2015)

Tandis qu’on commémore le 70e anniversaire de la fin de la guerre, deux ouvrages nous éclairent sur cette période. Le 3 septembre, la Chine populaire célèbrera de façon ostentatoire la fin de la Seconde Guerre mondiale en Asie. Une date choisie, pour la première fois l’année dernière, pour marquer la fin de ce que les Chinois appellent communément “guerre de résistance contre l’occupation japonaise”. En Europe, on oublie souvent que le conflit mondial n’a pas commencé le 1er septembre 1939 lorsque l’Allemagne a envahi la Pologne, mais qu’il a débuté en 1931 en Chine avec “l’incident de Mandchourie” qui a servi de prétexte à l’armée impériale pour mener une guerre qui n’avait pas de nom. Dans leur remarquable ouvrage Le Japon en guerre, Haruko Taya Cook et Theodore F. Cook rappellent d’ailleurs que “aussi étrange que cela puisse paraître, plus d’un demi-siècle après la fin du conflit, la guerre n’a même pas un nom unique sur lequel toute la nation s’accorde. Pendant nos entretiens, les gens parlaient de la guerre du Pacifique, “la guerre de la Grande Asie orientale, “l’incident de Chine”, “la guerre sino-japonaise”, “la guerre de quinze ans”, ou nous expliquaient que la guerre en Asie n’avait rien à voir avec le reste de la “Seconde Guerre mondiale”.” Le principal intérêt de ce livre repose sur les nombreux témoignages recueillis par ce couple de professeurs à la William Patterson University grâce auxquels on saisit mieux comment le Japon a vécu “la guerre”. Ils ont rencontré des gens ordinaires ou des officiers présents à Nankin, un cadet de la marine devenu abbé bouddhiste zen, un ingénieur sur la ligne de chemin de fer Birmanie-Siam, un pilote de chasse sur la frontière soviétique ou encore des victimes du premier bombardement atomique de l’histoire à Hiroshima, le 6 août 1945. Chacun d’entre eux livre sans ambages son expérience et apporte un éclairage intéressant sur cette période. Dans Les Japonais et la guerre 1937-1952 (Fayard, 2013), Michael Lucken nous avait déjà offert une vision de l’intérieur, en explorant la manière avec laquelle la population avait réagi à cette situation. L’historien français avait notamment souligné les sentiments contradictoires qui agitaient alors la société japonaise, contredisant ainsi l’idée d’unanimité de tout un peuple prêt à mourir sans sourciller pour l’empereur. Constance Sereni et Pierre-François Souyri s’intéressent aussi à cet aspect des choses par le biais des “unités spéciales d’attaque” (tokubetsu kôgeki-tai ou tokkô) plus connues sous le nom de kamikazes. Les deux spécialistes du Japon à l’université de Genève reviennent en détail sur la manière dont ces “bombes humaines” ont été recrutées et comment l’état-major japonais a imaginé de recourir...

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