
Nishijima Toyozô fait la promotion du riz, estimant qu’il permettra d’éviter le déclin du pays. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Considéré comme le plus grand spécialiste du pays en matière de riz, le patron de Suzunobu ne lâche rien. Nishijima Toyozô est sans doute l’expert japonais le plus connu dans le domaine du riz. Après avoir obtenu son diplôme de la faculté de médecine vétérinaire et d’élevage de l’université de Kitasato, il a travaillé pour le Conseil de modernisation de l’agriculture de Hokkaidô (devenu Centre technologique pour la modernisation agricole de Hokkaidô) jusqu’en 1988, date à laquelle il a repris l’entreprise familiale, le magasin de riz Suzunobu Shôten (www.suzunobu.com, 2-1-15 Nakane, Meguro, Tôkyô 152-0031). Actuellement, on y trouve plus de 100 variétés de riz.Il a mis à profit ses connaissances en “ingénierie agricole” et l’expérience acquise lors de ses visites dans les zones de production à Hokkaidô (voir Zoom Japon n°78, mars 2018) pour devenir un “sommelier” du riz très respecté, avec un public fidèle d’amateurs de la céréale. En plus d’être chargé de cours dans le département de cuisine japonaise d’une école culinaire, il aide les agriculteurs à améliorer les variétés de riz, participe à des programmes de revitalisation régionale et apparaît souvent dans les journaux, les magazines et les émissions de télévision et de radio. Tout en travaillant dans le secteur de la vente au détail, Nishijima Toyozô n’a pas peur d’appliquer son expertise à différents domaines de son travail. “A Hokkaidô, j’ai travaillé sur la conception de rizières et des calculs structurels liés aux digues. A l’époque, je n’imaginais pas que les connaissances acquises à l’université ou au travail pourraient être appliquées à une rizière, mais elles se sont en fait révélées très utiles. Apprendre à connaître les sols et acquérir des connaissances en matière de génie civil agricole est l’une de mes forces aujourd’hui”, assure-t-il.“Depuis quelque temps, les détaillants indépendants vendent du riz qui leur tient à cœur en l’achetant directement aux producteurs afin de se différencier des supermarchés. Lorsque j’ai repris le magasin, j’ai fait le tour de différentes régions dans ce but, mais avant cela, je voulais aussi étudier les variétés de riz et les zones de production. Cependant, en parcourant le pays, j’ai été choqué de voir le manque de jeunes prêts à poursuivre le travail de leur père et la sombre réalité des rizières”, ajoute-t-il. Lorsque les régions sont en déclin, les emplois disparaissent et les maisons sont laissées à l’abandon. Dans de telles conditions, les jeunes et les familles n’ont d’autre choix que de déménager dans une ville plus grande, accélérant encore le déclin local.Selon lui, pour mettre fin à ce cercle vicieux, il faut ajouter de la valeur à ces lieux pour les rendre à nouveau attrayants. “Lorsque vous cultivez du riz, vous êtes à la merci de la nature. Une année, vous pouvez avoir beaucoup de riz et une année plus tard, la récolte sera mauvaise. Et puis, bien sûr, il y a les catastrophes naturelles, comme les fortes pluies. Je me suis donc demandé si je pouvais transmettre les joies et les difficultés de la riziculture aux consommateurs, en les invitant à avoir une relation plus intime et concrète avec les zones de production.”L’activité tous azimuts de Nishijima Toyozô comprend non seulement la mise en relation avec les producteurs, mais aussi avec le groupe JA [réseau de coopératives agricoles composé de 562 branches qui fournissent à leurs membres des intrants pour la production, se chargent du conditionnement, du transport et de la commercialisation des produits agricoles, et fournissent des services financiers] et l’ensemble des acteurs de la région. “Nous avons créé une marque qui ne peut être produite que dans cette région, comme le vin”, explique-t-il. “Les producteurs, les coopératives agricoles régionales et les autres municipalités, les préfectures et les magasins de riz travaillent ensemble pour créer un riz adapté au moment, en travaillant sur de nouvelles méthodes de culture et en créant une marque de riz avec des idées libres, sans être liés par des concepts conventionnels. En outre, nous tentons de revitaliser la zone de production en formant les successeurs des nombreux agriculteurs qui deviennent maintenant trop âgés pour continuer leur travail. A cette fin, nous avons lancé notre propre projet, en explorant des méthodes de culture du riz qui tirent parti de l’environnement de chaque région, et en créant de nouvelles marques de riz aux caractéristiques et au goût uniques”, confie-t-il.Il dit qu’il ne prend jamais de vacances car il est toujours en train de visiter une région différente du pays. “Puisque, comme détaillant, j’ai un contact direct avec de nombreux consommateurs et que je comprends le côté commercial de la riziculture, on me demande souvent de donner mon avis. Toutefois, je n’obtiens pas autant d’informations que je le souhaiterais, notamment de la part des nombreux agriculteurs locaux qui sont fiers de tout faire eux-mêmes, de la production à la distribution. Ils ne cessent de dire que le riz que je produis est le meilleur. C’est peut-être vrai, mais ils vivent dans le passé. L’époque où les individus pouvaient tout faire est révolue. L’heure est venue pour toute la région de travailler ensemble. C’est pourquoi nous devons revitaliser les coopératives agricoles communautaires”, estime-t-il.Le prix du riz japonais a été maintenu à un niveau relativement élevé en raison de la modeste taille de la plupart des exploitations. “Je ne pense pas que l’agriculture à grande échelle soit possible au Japon, car c’est un pays essentiellement montagneux”, reconnaît-il. “Nos prix ne peuvent pas rivaliser avec les marques étrangères car les coûts de production ne peuvent pas être réduits. Ce qui se passe, c’est que de plus en plus de gens abandonnent l’agriculture et cela entraîne l’effondrement progressif de notre économie agricole. Les terres agricoles sont progressivement abandonnées, en particulier dans les endroits les plus difficiles, comme les zones montagneuses. Non seulement les rizières non entretenues s’assèchent, mais le sol se fissure en raison de la croissance des arbres et des plantes sauvages, et elles perdent leur fonction de...
