
Les prostituées faisaient partie de leurs clients. “Je me souviens d’une nuit d’été en particulier où je vendais des sucettes glacées avec mes deux frères dans la rue qui traversait le quartier chaud. Nous avions une glacière et à côté un conteneur contenant des tickets de loterie faits à la main pliés en triangles. Sur un vêtement étalé sur le sol, nous avions placé des canards en celluloïd volés comme cadeaux. Nous avions hérité de cette affaire de l’ami de notre beau-père après que celui-ci soit tombé malade et soit devenu trop faible pour travailler. Cette nuit-là, deux ou trois filles d’une maison close voisine sont venues acheter des sucettes glacées. L’une d’elles a tiré un billet gagnant. Elle était si heureuse qu’elle laissa échapper un cri de joie. J’étais fasciné par leur maquillage épais, leurs visages blancs couverts de poudre et leurs lèvres rouge vif. Elles étaient tellement belles à mes yeux. Eh bien, aucune autre fille n’a eu un tel effet sur moi à l’époque. Aussi ridicule que cela puisse paraître aujourd’hui, alors que j’étais enfant, je pensais honnêtement que, une fois adulte, je protégerais ces filles”, confie-t-il. Parmi les voyous qui flânaient du côté deTateishi, un homme a fini par capturer l’imagination du jeune Tsuge. Il s’agissait d’un gars surnommé Keisei Sabu que l’on retrouve dans plusieurs de ses histoires. “En fait, ce Keisei Sabu dont j’ai dressé le portrait était davantage le fruit de mon imagination fertile”, raconte-t-il. “Bien que j’aie vécu à Tateishi pendant plus de dix ans, je ne l’ai revu que quelques fois. Je ne connaissais même pas son vrai nom. La deuxième fois, j’avais environ 13 ans. J’ai vu un type ivre puant qui traînait avec deux autres voyous dans la rue. Un propriétaire de magasin a dit que c’était Sabu, c’est le seul moyen...
