L'heure au Japon

Parution dans le n°100 (mai 2020)

Mais aujourd’hui, pas l’ombre d’un poisson, ou même d’un baigneur. La plage des années d’enfance est devenue un littoral froid, au voisinage industriel. Plus personne ne pêche dans la baie de Tôkyô. Les plaisanciers y sont rares, même si la ville compte encore trois petites marinas. Et la baignade partout interdite. Partout, sauf ici. Car pour la huitième année consécutive, Sekiguchi Yûzô a réussi à ouvrir la plage de Kasai au public, malgré la réticence des autorités municipales. Il est fier de montrer quelques photos prises cet été : on y voit des familles en maillot de bain, des gamins qui pataugent, des jeux de plage. Une véritable ambiance de station balnéaire. Entre le 15 juillet et le 30 août 2019, sa plage a attiré 50 000 baigneurs venus de toute la ville et d’ailleurs.Le voilà qui monte dans son 4x4 blanc et roule vers le quartier de Kasai, au sud de l’arrondissement d’Edogawa. La ville par ici a beaucoup changé, elle aussi. “C’est un nouveau Tôkyô qui s’invente dans ces territoires limitrophes du milieu marin, sous la double influence de vastes projets de reconversion urbaine des anciens espaces portuaires (opération Rinkaifukutoshin) et de dynamiques sociogéographiques qui remodèlent les quartiers”, explique le géographe Rémi Scoccimarro, auteur d’une thèse sur les aménagements de la baie. Les alentours du métro Nishi Kasai, par exemple, ont vu naître ces dix dernières années un Little India qui abrite aujourd’hui la plus grande communauté indienne du Japon. Arrêté à un feu rouge, Sekiguchi Yûzô désigne une ancienne digue, fondue dans le décor : “autrefois, le front de mer était ici. Là, c’était le fleuve, et à côté, le mouillage des bateaux qui ramenaient des algues nori”. Nous sommes pourtant à 1,5 kilomètres de la plage de Kasai. Mais ici comme ailleurs, l’homme...

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