
Nikita, 28 ans, se repose entre deux passes au Soapland Paradise, à Kawasaki. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Malgré son interdiction, la prostitution continue de prospérer avec l’existence d’établissements bien particuliers. Cherchez Yoshiwara sur une carte et vous ne le trouverez pas. Officiellement, le nom n’existe plus, le district ayant été rebaptisé Senzoku 4 Chôme, dans l’arrondissement de Taitô. Le quartier lui-même, bien que situé dans le centre de Tôkyô (pas très loin des attractions touristiques d’Asakusa), est coupé du reste de la capitale, car il est relativement éloigné de toute gare ou station de métro, et personne ne s’y retrouve par hasard. Pour dire les choses simplement, c’est un de ces quartiers auxquels les autorités et la plupart des habitants de la ville essaient de ne pas penser. Mais topographie officielle mise à part, tout le monde connaît Yoshiwara ; même les gens – la grande majorité – qui n’y ont jamais mis les pieds. Après tout, cet espace des plaisirs charnels est là depuis plus de 400 ans.Yoshiwara est, avec le Kabukichô, l’un des quartiers chauds les plus célèbres de Tôkyô et du Japon. Mais tandis qu’à Kabukichô, les lieux coquins partagent l’espace avec des restaurants, des cafés et même un complexe cinématographique, les rues tranquilles de Yoshiwara sont des rangées de soaplands et de maisons closes parfois interrompues par une supérette, un hôtel bon marché ou un étrange magasin d’alimentation qui s’adresse à la population active locale. Il y a tellement d’établissements qu’ils occupent quatre pâtés de maisons complets.Chaque entrée est gardée par au moins un type en costume sombre. Dans le passé, ils essayaient peut-être d’attirer les passants à l’intérieur, mais avec l’arrivée d’Internet, la plupart des clients font maintenant des réservations à l’avance, de sorte que le travail principal des gars dans la rue est d’accueillir les clients et d’éloigner les personnes indésirables. Cela inclut les étrangers. En effet, le Japon essaie peut-être d’attirer le plus grand nombre possible de touristes asiatiques et occidentaux, mais jusqu’à présent, et à quelques exceptions près, l’industrie du sexe a été immunisée contre l’attrait des devises étrangères. Affiche en devanture d'un soapland à Kawasaki. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Une autre chose qui distingue Yoshiwara de Kabukicho et d’autres quartiers similaires est sa morosité et son caractère passe partout. Vu de l’extérieur, tous ces extérieurs gris et anonymes ne sont guère dignes d’être vus. Alors si vous prévoyez d’ajouter quelques photos salaces à votre page Instagram, épargnez-vous un voyage à Senzoku et allez voir ailleurs. Même à l’intérieur, les choses ne sont pas beaucoup plus attrayantes. L’élégance et l’apparat des temps passés, où les oiran, ces courtisanes de haut rang, accueillaient leurs clients en portant de magnifiques kimonos, ont disparu. Les soaplands d’aujourd'hui, à la différence des clubs d’hôtesses (du moins les bars haut de gamme de Ginza), sont des endroits tape-à-l'œil, souvent ringards. Après tout, leurs clients ne se soucient guère de leur intérieur et de leur atmosphère. Ils ne s’intéressent pas aux lustres, à un air de sophistication ou à un bavardage intelligent. Ils ne veulent qu’une chose et une seule.Les soaplands de Yoshiwara sont le résultat de la fusion de deux éléments différents de l’histoire sociale : les bains publics (voir Zoom Japon n°35, novembre 2013) et les mercenaires du sexe. Examinons d’abord le premier. Les modèles originaux des bains publics japonais sont nés en Inde et sont arrivés au Japon par la Chine à l’époque de Nara (710-784). Au début, on ne les trouvait que dans les temples bouddhistes et ils étaient exclusivement utilisés par les prêtres et les malades. Il a fallu attendre la période Kamakura (1185-1333) pour trouver la première mention d'un établissement commercial de bains. Comme leurs prédécesseurs religieux, ces établissements mixtes étaient plus proches des bains de vapeur car il n'y avait pas de robinets sur place et chaque client ne recevait qu’une petite ration d’eau.Les...
