L'heure au Japon

Parution dans le n°06 (décembre 2010)

Entre Pékin et Tokyo, il y a de l’eau dans le gaz. Les deux capitales ont oublié leurs promesses de coopération au profit d’un discours qui en dit long sur leurs divergences. Le 7 septembre, l’arraisonnement d’un chalutier chinois par la marine nippone a mis le feu aux poudres. Ce n’est pas la première fois que les relations entre Pékin et Tokyo se tendent, mais l’incident, qui a conduit à la détention du capitaine d’un chalutier ayant pénétré dans les eaux territoriales japonaises près des îles Senkaku (Diaoyu en chinois), a rallumé les passions nationalistes chez les deux voisins. Dans plusieurs grandes villes chinoises, des milliers de personnes ont défilé pour dénoncer l’attitude du Japon tandis qu’à Tokyo des rassemblements sont venus rappeler à ceux qui en doutaient la détermination d’une partie de l’opinion à ne pas se laisser marcher sur les pieds par le dragon chinois. “Les Chinois sont de plus en plus arrogants et provocateurs”, affirme un responsable politique japonais, rappelant notamment qu’au printemps 2010 des navires de guerre chinois avaient violé les eaux japonaises pour se rendre dans l’océan Pacifique tandis que des hélicoptères venus de Chine n’avaient pas hésité à mettre en place une surveillance très stricte de bâtiments japonais lors d’exercices navals. De son côté, la presse chinoise, en particulier le très officiel Huanqiu Shibao, publié par l’agence de presse Xinhua, n’a cessé au cours des dernières semaines de souligner l’intransigeance nippone sur la question des îles Diaoyu que Pékin revendique au même titre que Taiwan, mais que Tokyo refuse de considérer comme un “problème” dans la mesure où, à ses yeux, cela n’a pas lieu d’être. Par le passé, les huit îlots qui forment l’archipel des Senkaku ont déjà été au cœur de polémiques entre les deux pays. Des groupes nationalistes chinois avaient tenté d’y planter le drapeau de la République populaire et des navires scientifiques en provenance de Chine étaient passés un peu trop près de la zone, suscitant à chaque fois une réaction japonaise. Les Japonais ont besoin de se rassurer Toutefois, l’incident du 7 septembre 2010 a pris une tournure différente à la suite de l’arrestation de l’équipage du chalutier et de son capitaine. En agissant de cette manière, les autorités japonaises ont voulu montrer à leur voisin chinois qu’il y avait des limites à ne pas dépasser. Il n’en a pas fallu beaucoup plus pour que ce dernier se raidisse et brandisse des menaces. Dans le Huanqiu Shibao, on a même pu lire que la Chine aurait tout intérêt à utiliser l’arme économique pour ramener à la raison le Japon. Un point de vue audacieux quand on connaît l’interdépendance des deux  principales économies de l’Asie (voir p. 7) qui traduit cependant l’assurance des Chinois à l’égard de leur poids dans les affaires mondiales. De leur côté, les Japonais ont besoin de se rassurer et d’obtenir le respect de leurs intérêts nationaux. Fragilisé sur le plan intérieur, le gouvernement de Kan Naoto a voulu marquer son autorité sur le plan extérieur, en se lançant dans un bras de fer dangereux avec Pékin. Même s’il savait sans doute dès le départ qu’il devrait céder aux pressions (le capitaine du chalutier a finalement été relâché fin septembre), il s’est aussi lancé dans cette aventure pour rappeler qu’il ne fallait pas non plus le sous-estimer. Sa très vive réaction après la visite du président russe Dimitri Medvedev sur l’île de Kunashiri, dans les Kouriles du Sud, objet d’un contentieux territorial de plus de soixante ans avec la Russie, participe de la même volonté de se comporter comme un pays comme les autres capable de se mobiliser lorsque ses intérêts...

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