
Glénat publie en exclusivité cette jeune mangaka qui s’est fait connaître sur Internet. Nous l’avons rencontrée à Tôkyô. Tandis que le marché du manga au Japon semble en perte de vitesse avec un chiffre d’affaires qui est passé de 300 milliards de yens en 1995 à 160 milliards récemment, la France demeure un solide débouché pour la production nippone. Réussir en tant que mangaka dans l’archipel relève aussi de la gageure dans la mesure où les éditeurs japonais se concentrent davantage sur les séries à succès que sur les nouveaux venus. Compte tenu de cette situation, certains artistes japonais cherchent d’abord à se faire connaître à l’étranger. C’est le cas de Hashimoto Kachou, une mangaka de 33 ans dont la série de science-fiction Cagaster paraît ces jours-ci chez Glénat en exclusivité mondiale. Nous l’avons rencontrée à Tôkyô avant son départ pour la Japan Expo. Je sais qu’on vous connaît aussi sous le nom de Hashimoto Chicken. D’où vient ce prénom pour le moins étonnant ? Hashimoto Kachou : Haha ! Il se trouve que j’adore les poules. Je les trouve très mignonnes et bien sûr j’aime aussi en manger. Voilà pourquoi j’ai choisi ce pseudonyme. Kachou écrit avec des caractères chinois signifie oiseau. Je suppose que vous êtes une grande lectrice de manga. Avez-vous un titre préféré ? H. K. : J’ai commencé à m’intéresser au manga quand j’étais au lycée. À cette époque, j’appréciais surtout Ushio et Tora de Fujita Kazuhiro. Cette histoire m’a beaucoup influencée et m’a incitée à me lancer dans le dessin. C’était la première fois que je trouvais un manga intéressant. J’étais particulièrement attirée par les efforts du protagoniste pour affronter les difficultés. Ce fut comme une leçon de morale et je peux dire que j’ai été touchée par cette histoire au-delà de sa valeur artistique. En tant qu’amateur de manga, quel genre vous attire le plus ? H. K. : Comme je vous le disais, j’ai pénétré dans le monde du manga grâce à Ushio et Tora qui raconte les relations entre un garçon et une créature surnaturelle qui ressemble à un tigre. Ensemble ils combattent des yôkai, ces créatures issues des croyances anciennes. J’ai donc développé un intérêt pour ces esprits qui appartiennent au folklore japonais. Quand avez-vous décidé de devenir mangaka ? H. K. : Dès que j’ai commencé à lire des mangas, j’ai senti que j’avais envie de raconter mes propres histoires. Avec mes camarades de classe, nous dessinions dans nos cahiers et on se montrait mutuellement le résultat de nos efforts. Ensuite vous êtes devenue l’assistante de Higuchi Daisuke ? H. K. : Oui, c’est bien cela. J’ai rejoint son studio à l’âge de 18 ans juste après avoir terminé le lycée. J’y ai travaillé environ deux ans. Quand j’ai annoncé à mon prof que j’allais faire du manga, il m’a dit que j’étais folle. Mais ça ne m’a pas fait changer d’avis. (rires) Au Japon, être assistant est la première étape logique dans la carrière d’un mangaka. Que doit faire un apprenti mangaka pour être engagé ? H. K. : En ce qui me concerne, une de mes amies travaillait déjà pour Higuchi-sensei. Elle m’a proposé de faire un essai. C’est comme ça que tout a commencé. Sinon vous pouvez prendre contact avec un éditeur pour voir s’il est à la recherche d’un assistant ou bien consulter les petites annonces publiées dans les magazines de mangas. Comment s’est déroulée cette expérience ? H. K. : J’ai beaucoup appris de Higuchi et pas seulement en termes d’art et de techniques. Il m’a enseigné la valeur de la persévérance. Il publiait ses œuvres dans l’hebdomadaire Shônen Jump. Nous courrions toujours après le temps pour respecter les délais. C’était très stressant, mais j’ai appris qu’on pouvait ne pas céder devant ce genre de pression. Higuchi avait transformé sa maison en studio. Tous ses assistants y étaient rassemblés. Nous y travaillions, mangions et dormions. C’est ça la vie d’un mangaka. Vous pensez et vous respirez manga à tout moment. Et lorsque vous participez à cet univers magique et créatif, vous ne pouvez pas baisser les bras et prendre du repos. J’ai entendu dire que les assistants menaient une vie très difficile et qu’ils devaient travailler dur pour toucher très peu d’argent. H. K. : C’est vrai que ceux qui choisissent de faire ce métier doivent être prêts à mourir pour leur art. En d’autres termes, cela veut dire que vous avez intérêt à faire autre chose car la reconnaissance - si elle arrive - ne vient qu’après une longue pratique. Dans mon cas, lorsque j’ai commencé à dessiner, j’étais loin d’un niveau...
