
Vous avez mentionné John Cassavetes plusieurs fois dans cette interview. Pourquoi l’aimez-vous autant ? H. R. : Parce que ses films respirent la vie réelle. Regarder un de ses films, c’est comme regarder de vraies personnes qui vivent dans la vraie vie, pas des acteurs qui jouent dans une histoire fictive. Quand j’ai vu ses films pour la première fois, ils me donnaient l’impression d’être plus réels que ma propre vie. Ce fut une expérience vraiment révélatrice. Quand vous parlez de vos films, vous parlez souvent de “trouver la bonne voix”. Que voulez-vous dire par “bonne voix” ? H. R. : Cela signifie tout simplement faire ressortir la voix authentique d’un personnage - une voix qui exprime sincèrement les sentiments et les émotions de ce personnage. Par exemple, l’atelier à l'origine de Senses s’appelait “atelier d’écoute”. Il était fondé sur l’idée de créer un environnement où une communication réelle et mutuellement satisfaisante pouvait se produire. Dans la pratique, nous avons presque complètement évité les leçons de théâtre pour nous concentrer sur des entretiens individuels. Dans Senses, et dans d'autres films d’ailleurs, vous dépeignez les personnages masculins de façon plutôt peu flatteuse. Ils sont souvent égoïstes, distants, parfois même violents. Pourquoi ? H. R. : Vraiment (rires)? Je vous assure que je ne le fais pas exprès. J’essaie toujours autant que possible de représenter mes personnages de telle sorte que le public soit libre d’interpréter leur comportement comme ils le veulent ou le ressentent. Cela dit, je représente probablement ces personnages d’une manière négative – quoiqu’inconsciemment – parce qu’on peut les croiser dans la vraie vie. En d'autres termes, ils sont le produit de notre société. Je suis sûr que tout le monde vous demande pourquoi Senses dure plus de cinq heures. Mais en fait, vous aviez déjà fait un très long film auparavant avec Shinmitsusa qui dure quatre heures. Comment pourriez-vous comparer ces deux projets ? H. R. : Pour ce qui est de la durée, la principale différence entre les deux films est que Shinmitsusa avait été conçu pour être long. Dès le départ, je souhaitais faire un très long métrage. En fait, la première moitié porte sur le processus de création d’une...
