L'heure au Japon

Parution dans le n°48 (mars 2015)

Quatre ans après le tsunami qui a tout emporté y compris les trains, leur remise en service suscite l’enthousiasme local. Il aura fallu quatre ans, quatre longues années pour que les lignes JR Ishinomaki et Senseki soient enfin rétablies et que les habitants puissent à nouveau croiser la silhouette familière du train et entendre le bruit si particulier de son passage sur les rails. Un signal fort pour une population qui avait fini par douter de la bonne volonté de l’ancienne société publique ferroviaire, d’autant qu’à quelques dizaines de kilomètres de là, une autre ligne exploitée par la toute petite compagnie Sanriku Tetsudô a réussi à remettre en service ses deux tronçons Kita Riasu (71 km entre Kiji et Miyako) et Minami Riasu (36,6 km entre Kamaishi et Sakari) bien avant le géant JR East qui a traîné des pieds pour entreprendre les travaux indispensables à une reprise normale du trafic sur l’ensemble de ses deux lignes grandement endommagées lors du séisme et du tsunami du 11 mars 2011. A l’instar du réseau de la Sanriku Tetsudô, les lignes Ishinomaki et Senseki ont la particularité d’avoir été construites le long de la côte, offrant ainsi aux passagers des paysages uniques d’une grande beauté. Mais cette proximité avec la mer leur a été fatale dans les minutes qui ont suivi le terrible tremblement de terre d’il y a quatre ans. La déferlante, qui a balayé le nord-est de l’archipel, a emporté les rails, les ouvrages d’art et la plupart des gares, laissant derrière elle le chaos et la désolation. A Onagawa, terminus de la ligne Ishinomaki, bon nombre de Japonais ont gardé en mémoire l’image de ce train retourné et cabossé que la puissante vague a transporté sur plusieurs centaines de mètres avant de le laisser reposer sur des tombes à flanc de colline. Cela sonnait symboliquement comme la mort du train dans cette région. Or la disparition du chemin de fer est synonyme de la condamnation à terme de la région elle-même. C’est la raison pour laquelle, un peu plus au nord d’Onagawa, les responsables de la Sanriku Tetsudô n’ont pas pu se résoudre à abandonner leurs deux tronçons. Quelques jours après la catastrophe de 2011, ils avaient réussi à remettre en service avec les moyens du bord une portion de 11 km, provoquant une vive émotion au sein de la population. “Cela m’a autant bouleversé que le retour des premiers tramways, à Hiroshima, trois jours après l’atomisation de la ville”, a d’ailleurs écrit le professeur Hara Takeshi, de l’université Meiji Gakuin, à Tôkyô, dans un ouvrage consacré aux trains et aux séismes. Et quand en avril 2014, l’ensemble des deux tronçons ont enfin été rétablis, c’est l’ensemble du Japon qui a célébré ce retour à la normale. Il faut dire que le chemin de fer est important sur le plan touristique, mais qu’il est essentiel dans la vie quotidienne de la population locale composée de nombreuses personnes âgées. La mise en place de bus de substitution n’a pas été perçue comme une solution viable à long terme par les habitants. L’irrégularité du trafic routier, les conditions météorologiques parfois très dures dans cette région sont autant de bonnes raisons pour amener JR East à se lancer enfin dans les travaux de remise en service des deux lignes dans leur ensemble. Leur réouverture complète au printemps 2015 est une extraordinaire nouvelle, car elle est perçue comme la véritable expression d’une volonté de tourner la page après quatre années de tergiversations qui n’ont pas favorisé la reconstruction de cette région meurtrie par le déchaînement de la nature. Le retour du train signifie que l’on peut de nouveau envisager de s’installer....

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