L'heure au Japon

Parution dans le n°22 (juillet 2012)

cuisine travers manga japon

2011 et 2012 confirment un changement d’attitude des lecteurs vis-à-vis de la bande dessinée dans l’archipel. Les années passent et se ressemblent dans l'univers du manga. Depuis que les ventes de livres ont dépassé, en 2005, celles des magazines de prépublication, l'écart entre les deux supports n'a cessé de se creuser. Le rapport que les lecteurs japonais entretiennent avec le manga a radicalement changé au cours de la décennie écoulée. La plupart des magazines sont déficitaires, mais sont sauvés par les très bonnes ventes réalisées par les éditions sous forme de livres. L'année 2011 est à ce titre extrêmement riche d'enseignements avec le succès de Shingeki no kyojin de Isayama Hajime et de Thermae Romae de Yamazaki Mari. Pour Kôdansha, l'un des principaux éditeurs, les très bonnes ventes de Shingeki no kyojin ont permis de “sauver” une année qui s’annonçait mal avec la fin de la série phare Nodame Cantabile et la suspension temporaire pour une année de Vagabond, ce qui signifiait l’absence de volumes de la série dans les librairies. Ce qui est remarquable avec Shingeki no kyojin dont le seul tome 6 paru en décembre 2011 s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, c’est que la série est publiée dans Bessatsu Shônen Magazine, une publication secondaire de l’éditeur, dont le tirage n’a pas connu une progression aussi fulgurante que les ventes de la série qu’il fait paraître. Le tome 1 de Shingeki no kyojin est sorti en mars 2010 et sa diffusion n’a pas excédé, dans un premier temps, les 40 000 exemplaires. C’est à l’automne que les ventes ont commencé à s’envoler pour atteindre les 250 000 exemplaires en octobre puis les 750 000 trois mois plus tard après la publication du palmarès annuel des meilleurs mangas par l’incontournable Kono manga ga sugoi [Ce manga est génial] qui a classé la série de Isayama Hajime au premier rang. Depuis, chaque volume qui paraît se vend comme des petits pains, mais ne permet pas pour autant au magazine de sortir de l’anonymat. Un autre exemple chez Kôdansha, Les Vacances de Jésus & Bouddha de Nakamura Hikaru, illustre le phénomène. Cette série qui cartonne auprès d’un large public vend en moyenne un million d’exemplaires à chaque sortie. Comme Shingeki no kyojin, elle paraît dans un magazine secondaire du groupe Morning 2. En ce qui concerne Thermae Romae, c’est encore plus révélateur puisque la série de Yamazaki Mari est publiée par le magazine Comic Beam qui ne figure pas du tout parmi les grosses cylindrées de l’édition de mangas. Il n’empêche que Thermae Romae a cumulé plus de 5 millions d’exemplaires vendus sous forme de livre tandis que le tirage de Comic Beam reste confidentiel. Voilà l’un des grands enseignements de l’année écoulée dans le secteur du manga. Voilà qui tranche nettement avec ce qui se passait, il n’y a pas si longtemps, quand les lecteurs des magazines de prépublication étaient les moteurs des ventes des mangas en livre. Désormais, il faut compter sur d’autres supports pour assurer les ventes des mangas. Beaucoup de lecteurs découvrent d’abord l’œuvre dans sa version animée ou dans son adaptation télévisuelle voire cinématographique avant de la lire dans sa forme originale, ce qui explique en grande partie l’écart énorme entre la diffusion des magazines de prépublication et celle des mangas sous forme de livre. Ce ne sont plus les magazines qui font vendre Cette évolution incite néanmoins les éditeurs à faire preuve d’imagination pour être en mesure de proposer un nombre important de séries dans l’espoir qu’une d’entre elles entraînera l’adhésion d’un large public. Voilà pourquoi ils continuent de créer de nouveaux magazines de prépublication qui répondent chacun à leur manière aux attentes d’un public spécifique. Chez Shôgakukan, on a ainsi Big Comic et Big Comic Original, l’un promeut les nouveaux talents, l’autre fait appel aux valeurs sûres. Cela permet de satisfaire les lecteurs sans prendre de très gros risques. Les maisons d’édition sont très attentives à la façon dont le public réagit et tentent d’anticiper ses envies pour garantir quelques bonnes recettes. Au cours des dernières années, celles-ci se sont grandement diversifiées. On l’a vu, les adaptations de mangas à la télévision en dessin animé...

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