L'heure au Japon

Parution dans le n°150 (mai 2025)

On ne compte plus le nombre de librairies qui cessent leur activité alors que, pendant longtemps, le Japon fut un paradis livresque. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Le nombre des librairies ne cesse de baisser et les autorités tardent à mettre en œuvre une politique pour les sauver. Le Japon est confronté à une crise des librairies. Ces lieux culturels essentiels disparaissant rapidement des villes. Selon l’Association japonaise de distribution de livres, le nombre de librairies a chuté d’environ 50 % en vingt ans, passant de 21 600 en 2000 à 10 918 en 2023. Toutefois, ce chiffre inclut les bureaux et les kiosques à journaux sans surface de vente, ce qui signifie que le nombre réel de librairies proposant une sélection substantielle est probablement plus proche de 7 600.En novembre 2024, 28,2 % des municipalités étaient totalement dépourvues de librairies, soit plus d’un quart du total, tandis que 19,7 % n’en comptaient qu’une seule. Cette baisse s’explique en partie par la diminution constante du nombre d’habitants, un phénomène qui impacte de manière disproportionnée les petites villes et les zones rurales confrontées au vieillissement démographique et au dépeuplement.Il s’agit d’un problème critique qui menace le déclin de la culture régionale et risque d’élargir le “fossé des connaissances” entre les zones rurales et les villes. Dans le même temps, les librairies urbaines luttent également pour survivre face à la flambée des coûts de main-d’œuvre, des dépenses de services publics et des loyers entraînés par la hausse des prix des terrains, ce qui explique leur disparition progressive. Il est urgent et nécessaire de relever ces défis et de mettre en œuvre des mesures pour revitaliser et soutenir les librairies.Le marché de l’édition au Japon est en déclin constant depuis qu’il a atteint son pic en 1997, avec 2 656 milliards de yens de ventes. En 2024, il était tombé à 1 571 milliards de yens et ce même en incluant l’édition électronique. Si l’on se concentre uniquement sur les livres papier, le chiffre diminue encore pour atteindre 1 056 milliards de yens, soit moins de 40 % du pic de 1997. Les ventes de magazines ont été particulièrement touchées, passant de 1 563 milliards de yens à seulement 411,9 milliards de yens en 2024, soit un quart de leur ancienne gloire.Internet, les réseaux sociaux et les jeux vidéo sont certainement à “blâmer” pour la baisse des ventes de livres. Une enquête réalisée en 2023 par l’Agence des affaires culturelles a révélé une tendance inquiétante : plus de 60 % des personnes interrogées lisent désormais moins d’un livre par mois, soit une dégradation significative par rapport à 2018. En outre, un nombre record de 70 % des sondés ont admis lire moins qu’auparavant désignant l’usage intensif d’Internet comme principal facteur. Notamment, 43,6 % d’entre eux ont attribué leur réduction de la lecture au temps passé sur des appareils tels que les smartphones. Avec la généralisation de l’intelligence artificielle générative, ce déclin de la lecture est appelé à s’accélérer.La baisse spectaculaire du nombre de librairies peut être attribuée non seulement à la dépopulation, au vieillissement et à Internet, mais aussi à la structure unique de l’industrie de l’édition du pays. L’une des différences les plus frappantes entre le Japon et les pays occidentaux est le rôle des magazines. Au Japon, les librairies ont toujours vendu de grands volumes de magazines, contrairement à leurs homologues occidentales, où ils sont généralement vendus dans les kiosques à journaux. La vue des rayons des librairies remplis chaque jour de magazines fraîchement arrivés est typiquement japonaise.Cette dépendance à l’égard des ventes de magazines se reflète également dans la structure des revenus des librairies. Alors qu’en Occident, elles dépendent principalement des bénéfices tirés de la vente de livres, les petites et moyennes librairies japonaises ont toujours compté sur les ventes de magazines pour assurer leur stabilité financière. Etant donné qu’environ 70 000 nouveaux titres sont publiés chaque année au...

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