
Enseignant à l’école de manga Eurasiam et traducteur, Xavier Hébert évoque l’importance de ces éléments graphiques. Pourriez-vous d’abord nous expliquer quelles sont les caractéristiques des onomatopées qu’on trouve dans le manga japonais ? Xavier Hébert : S’il faut parler des caractéristiques des onomatopées dans le manga, il faut d’abord s’intéresser aux spécificités propres au manga. Malgré la diversité des styles, on peut dire qu’en général, les mangakas mettent l’accent sur les éléments expressifs dans leurs œuvres : choix graphiques, découpage, mise en page et surtout cadrages et “mise en scène”. Il y a un réel travail esthétique et narratif dans la création d’une page de manga, et les onomatopées font partie intégrante de cette chaîne. Dans le manga actuel, elles sont même omniprésentes voire envahissantes chez certains auteurs. Au fil des années, elles sont devenues des éléments graphiques à part entière, presque indissociables de l’esthétique du manga. On peut même reconnaître un auteur uniquement au style de ses onomatopées, à sa façon de les dessiner à l’instar d’Urasawa Naoki (voir pp. 24-28) ou de les inventer au niveau phonétique comme Araki Hirohiko. Pourriez-vous d’abord nous expliquer quelles sont les caractéristiques des onomatopées qu’on trouve dans le manga japonais ? X. H. : Comme pour la BD, les onomatopées sont avant tout là pour symboliser un son, donner une information sonore dans le cours du récit : par exemple le son d’une porte qui claque. Mais ce n’est pas tout. Dans le manga, les onomatopées peuvent aussi informer sur la manière dont les choses se déroulent et parfois même sur les impressions ressenties par les personnages. Dès lors, il ne s’agit plus d’onomatopées comme nous les connaissons en Occident. Il s’agit d’onomatopées, qui même si elles “se lisent comme des sons”, n’en sont pas vraiment pour le lecteur japonais. Elles contiennent en elles d’autres informations : la manière, le mouvement, le ressenti, etc. Ce sont des onomatopées dites “impressives” ou gitaigo (en japonais), c’est-à-dire des mots imitant un état ou suggérant une émotion. L’aspect esthétique des onomatopées, leur design et leur position à l’intérieur des cases jouent aussi un rôle dans la compréhension du récit en manga. Si elles gênent parfois la lisibilité de l’action, elles peuvent aussi composer avec l’ensemble de la case ou de la page et apporter un plus à l’expression désirée. Leur “plastique tape-à-l’œil” peut notamment rendre plus dynamique un moment d’action : choc, coup, explosion, etc. Y a-t-il eu des auteurs qui ont influencé leur évolution dans le manga ? X. H. : Mes recherches sur le style et l’évolution esthétique du manga me ramènent toujours à l’auteur qui a le plus œuvré à son développement formel : Tezuka Osamu. Néanmoins, il est difficile de dire si son rôle a été déterminant dans le domaine des onomatopées....
