
Personnage mythique du cinéma nippon, il est intimement lié au quartier de Shibamata qui lui voue un véritable culte. Je n’arrive toujours pas à croire que ma femme japonaise ne soit jamais allée à Shibamata. Parce qu’elle est assez âgée pour avoir connu Tora-san, le principal protagoniste de la série de films Otoko wa tsurai yo [C’est dur d’être un homme] et l’un des plus célèbres personnages de la culture pop japonaise. Même mes étudiants âgés de 18 ans le connaissent. Ils n’ont peut-être jamais vu ses films, mais au moins, ils le connaissent. Mon épouse a vu deux ou trois épisodes de la série de 49 films. Par ailleurs, un de ses professeurs d’université est apparu et a chanté dans un des films dans les années 1980. Le moins que je pouvais faire était de l’emmener à Shibamata et de la guider dans le quartier de Tora-san. Shibamata est sans doute la partie la plus précieuse de Katsushika. Si Tateishi a une sorte de beauté brute rappelant la période de l’immédiat après-guerre, Shibamata est plus raffiné. Les gens vivent ici depuis très longtemps – une tombe et divers outils datant du Ve ou VIe siècle ont été mis au jour dans l’enceinte du sanctuaire Hachiman, mais personne n’a vraiment pris conscience de la région avant la fondation d’un temple important de la branche Nichiren en 1629. Consacré à Taishaku, une des divinités gardiennes du bouddhisme qui est en fait le dieu hindou Indra en costume bouddhiste, il porte le nom de Taishakuten. Un marché s’est développé autour, rendant les choses encore plus intéressantes. Il fut un temps où la rivière Sumida, dans le centre de Tôkyô, constituait une frontière de facto dans la ville, et les habitants de Yamanote – les quartiers les plus riches de l’ouest – n’avaient aucun intérêt à se rendre dans les plaines situées à l’est où la plupart des gens étaient des agriculteurs ou travaillaient dans de petites entreprises manufacturières. C’est probablement pour cette raison que Shibamata s’est toujours sentie quelque peu éloignée. Aussi, dans le passé, se rendre dans cette “ville frontière” était une aventure. Par exemple, la première ligne de train desservant Shibamata a été inaugurée en 1899, mais elle était constituée de “trains” à propulsion humaine. Chacune de ses 64 voitures transportait six passagers et était poussée par une seule personne. Puis est apparu Otoko wa tsurai yo sous la forme d’abord d’un téléfilm en 1968, puis d’un premier long métrage...
