
Ville en partie fantôme, Futaba conserve des bâtiments, comme cette caserne de pompiers, où l’horloge s’est arrêtée à 14 h 46, au moment du séisme, le 11 mars 2011. / Alissa Descotes-Toyosaki pour Zoom Japon Dix ans après la catastrophe de Fukushima, la ville voisine de la centrale accidentée fait semblant de revivre. A Futaba, il n’y a aucun habitant. Pourtant cette ville au cœur de la zone interdite, à 3 km de la centrale de Fukushima Daiichi est desservie depuis l’an dernier par une ligne de train directe depuis Tôkyô. Par la fenêtre du super express, j’observe le paysage qui a drastiquement changé depuis dix ans. Le stade de football de J-village qui hébergeait 8 000 travailleurs nucléaires a été rénové en prévision des Jeux olympiques de Tôkyô de 2020 (reportés à 2021 et dont on évoque encore l’annulation en raison de la crise sanitaire), les gigantesques chantiers de décontamination des sols ont fait place à des centres commerciaux et des hôtels. L’ancien périmètre interdit de 30 km autour de la centrale a pratiquement disparu. Mais à l’approche de Futaba, mon compteur Geiger commence à frémir. La radioactivité dans le train grimpe à 2,3 microsieverts par heure (μSv/h), soit dix fois le taux des normes admises par les autorités de sécurité japonaises. Puis chute alors que le train entre en gare. Je descends sur le quai flambant neuf. Entièrement automatisée, la nouvelle gare de Futaba affiche une radioactivité dans l’air légèrement supérieure à Tôkyô (0.079 μSv) et invite le visiteur à consulter le zonage des huit villages du district de Futaba. Ils sont classés selon leur seuil de rayonnement sur une tablette en plusieurs langues.Décontaminé pour accueillir le passage du relais de la flamme olympique (voir p. 6), le centre-ville de Futaba a officiellement rouvert au public en mars de l’année dernière et offre à première vue une impression de renouveau. A l’ouest de la gare, un chantier de décontamination rempli de sacs de terre noirs indique avec des panneaux colorés : “Zone d’habitation en construction, commençons à bâtir l’avenir de Futaba !”. A l’est, une route rutilante à deux voies fait le tour d’une grande rotonde flanquée d’un arrêt de bus désert.Accolés à la gare, un futur bureau d’information et un café font face à de grandes fresques colorées peintes sur plusieurs murs par le collectif Futaba art district (voir pp. 8-9). Mais derrière ces façades tape-à-l’œil, s’étend la ville fantôme. Maisons aux toits fracassés, magasins aux étalages sans dessus-dessous, salons de coiffure mangés par la végétation, parking de voitures abandonnées s’alignent le long des rues dont seules l’asphalte a été refait. Par les fenêtres, on aperçoit des photos, des livres, du linge qui sèche, des horloges qui affichent l’heure où le séisme a frappé. La ville entière derrière la gare de Futaba est scellée dans le silence du 11 mars 2011. Ce jour, le tsunami a dévasté la côte du Tôhoku, le Nord-Est de l’Archipel, tandis que le système de refroidissement de la centrale nucléaire tombait en panne. L’explosion du bâtiment du réacteur 1 a conduit à l’évacuation des 7 100 habitants de Futaba qui pensaient revenir chez eux quelques jours plus tard. Ils ont laissé toutes leurs affaires derrière eux, mais ils ne sont jamais revenus. Deux autres explosions des réacteurs situés à seulement quelques kilomètres du village ont contaminé très fortement les sols. La ville a été fermée pendant dix ans, la population étant autorisée à revenir quelques heures par jour. Aujourd’hui encore, seul le cimetière au milieu d’un terrain vague porte l’empreinte du passage récent des habitants venus déposer des gerbes de fleurs sur le caveau de leurs ancêtres.Pour rencontrer une âme qui vive à Futaba, il faut emprunter la navette gratuite depuis la gare pour aller du côté de la “zone de revitalisation” à 5 km sur le bord de mer. Le chauffeur de bus m’explique que la navette fait des allers-retours toutes les heures pour les employés de cette zone. Nous passons une usine d’asphalte et un chantier d’un hôtel avant d’arriver devant le Higashi Nihon Daishinsai Genshiryoku Saigai Denshô-kan (Musée du...
