
Le second quotidien de la préfecture défend avec ardeur et professionnalisme un retour à la normale. Fondé en 1899, le Fukushima Min’yû est l’autre grand journal de Fukushima. Il a été suspendu pendant environ quatre ans pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque des restrictions ont été imposées aux médias et que chaque préfecture ne pouvait avoir qu’un seul journal. Il a toutefois repris sa publication en 1946. “Je pense que nous avons la réputation d’être rebelles. Je ne dis pas que le Fukushima Minpô (voir pp. 4-7) n’est pas libre et ouvert d’esprit, mais je suppose que notre image est plus forte à cet égard. Nous sommes une entreprise qui n’aime pas être bridée, et cette attitude se reflète dans l’atmosphère à l’intérieur du journal et dans notre culture d’entreprise”, estime son rédacteur en chef Ono Hiroshi. A la tête de la rédaction, Ono Hiroshi défend le côté “rebelle” de son journal. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Depuis 1948, le quotidien entretient une collaboration avec le Yomiuri Shinbun, le principal quotidien du pays, cherchant initialement à s’appuyer sur lui pour stabiliser sa gestion dans la période d’après-guerre. En 2009, les deux entreprises ont conclu un accord de coopération éditoriale afin de fournir des articles à leurs pages respectives (en particulier, une fois par mois, un article du Min’yû sur la situation dans la préfecture est publié dans The Japan News, l’édition anglaise du Yomiuri Shimbun) tandis qu’une imprimerie de Kôriyama appartenant au groupe Yomiuri imprime à la fois le Yomiuri Shimbun et le Fukushima Min’yû.“Nous ne sommes pas une grande entreprise et nous nous félicitons de ce type de collaboration. Nous comptons actuellement une centaine de reporters, dont certains exercent également d’autres métiers. En moyenne, nous recrutons cinq ou six nouveaux journalistes chaque année, principalement dans la région du Kantô [Tôkyô et les préfectures environnantes], mais nous recevons des candidatures de tout le Japon. Nous embauchons un peu plus car, ces derniers temps, un nombre croissant de jeunes ont tendance à quitter leur emploi assez rapidement (rires)”.Le responsable de la rédaction souligne que la présence féminine au sein du journal est en constante augmentation. “Je pense qu’il y a environ 30 à 40 femmes reporters en ce moment. Traditionnellement, l’industrie de la presse est un univers masculin, mais parmi les étudiants, davantage de jeunes femmes semblent être intéressées par ce travail. D’autre part, beaucoup de garçons préfèrent créer leur propre entreprise ou travailler dans l’informatique”, reconnaît-il.Selon Ono Hiroshi, cette nouvelle tendance est le résultat de changements survenus à la fin du siècle dernier. “On attend des reporters qu’ils soient disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ils peuvent être amenés à travailler jusqu’au petit matin pour poursuivre un sujet ou interviewer quelqu’un. Il fut un temps où l’on attendait des femmes journalistes qu’elles travaillent comme des hommes, mais en même temps, il était difficile d’envoyer une femme dans certains endroits jugés dangereux ou de lui confier un rendez-vous dans un bar tard le soir. Pour ces raisons, entre autres, les femmes n’ont pas pu, pendant longtemps, s’imposer dans le monde de l’information. Premier numéro du Fukushima Min’yû en 1899. / Fukushima Min’yû Cependant, les choses ont progressivement changé à partir des années 1980 et 1990. Cela s’est produit partout, dans tous les secteurs, car il est devenu nécessaire de souligner la présence des femmes sur le marché du travail et de valoriser leur contribution. Même dans notre entreprise, nous avons créé les conditions pour qu’elles puissent exercer leur travail dans un environnement plus sûr, en tenant compte de leurs différents besoins. A cet égard, nous avons imaginé des moyens leur permettant de continuer à travailler comme journalistes tout en élevant leurs enfants. Comment une femme peut-elle maintenir ses compétences en tant que journaliste dans ces conditions, et quel type de travail peut-elle faire ? Par exemple, nous voulons faire en sorte que les journalistes sur le terrain puissent être remplacés par un collègue au pied levé, par exemple lorsque leur enfant a soudainement de la fièvre”, explique-t-il.“Une autre question soulevée après le 11 mars 2011 est celle des risques liés à la radioactivité. Au début, les premiers journalistes qui ont été envoyés à la centrale nucléaire étaient des hommes relativement âgés. Puis, lorsque nous avons eu besoin de plus de personnes sur place, nous avons envoyé des hommes et des femmes plus jeunes. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est un endroit dangereux, et ce n’est certainement pas le genre d’environnement où tout le monde veut aller. De plus, leurs familles peuvent s’y opposer, même si les journalistes eux-mêmes veulent y aller. Pourtant, certaines femmes reporters ont voulu voir la zone sinistrée par elles-mêmes. Cela a pris environ quatre ans, mais finalement, même les femmes ont pu se rendre à la centrale nucléaire et dans les zones interdites”.Interrogé sur le lectorat du Fukushima Min’yû, Ono Hiroshi affirme que son journal est lu par un large éventail de personnes. “Cependant, il est vrai que nous avons beaucoup de personnes d’âge moyen et de personnes âgées. Nous explorons des thèmes tels que les questions de genre pour attirer davantage de femmes. Nous devrions fournir davantage d’informations dont les femmes ont besoin dans leur vie quotidienne et offrir des conseils sur la manière dont elles peuvent jouer un rôle plus actif dans leur communauté et dans la société en général. Une autre bonne idée serait de publier des bandes dessinées du point de vue d’une femme”, estime-t-il.Il note qu’une élue de Fukushima sert actuellement d’assistante au Premier ministre Kishida et s’occupe des questions de genre. “A l’automne dernier, il y a également eu un événement au cours duquel nous avons discuté de la manière dont les femmes peuvent contribuer au mieux à la société. En février, nous avons organisé un événement similaire à Hawaiians où nous avons encouragé la participation active des femmes”.Hawaiians est une station thermale populaire dans le sud de la préfecture de Fukushima et son choix pour un tel événement n’est probablement pas une coïncidence. Pendant la majeure partie du XXe siècle, cette région était célèbre pour sa mine de charbon, mais dans les années 1960, le pétrole a remplacé le charbon comme principale source d’énergie de l’industrie et la société a dû licencier de nombreux mineurs. Afin de créer des emplois alternatifs pour ses employés et leurs familles et d’assurer une nouvelle source de revenus à l’entreprise, il a été décidé de lancer une nouvelle activité autre que l’exploitation du charbon. Comme la région regorge de sources chaudes, une station thermale sur le thème de Hawaï a été ouverte en 1966 et est rapidement devenue l’une des attractions les plus populaires de l’archipel. L’une des caractéristiques les plus connues de la station était sa troupe de hula, la danse hawaïenne traditionnelle. Elle a même fait l’objet d’un long métrage réalisé par Lee Sang-ilet intitulé Hula Girls (2006). Après que Hawaiians ait été affecté par la catastrophe du 11 mars 2011, elle a fait le tour du pays pour remonter le moral des nombreuses personnes qui avaient été contraintes de quitter leur foyer. Pour gagner de nouveaux lecteurs et défendre son sérieux, le journal s’est affiché. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Fukushima est une très grande préfecture et sa taille pose de nombreux problèmes à un journal qui veut toucher le plus grand nombre de lecteurs possible. “Le monde de l’information est peut-être en train de se déplacer vers l’Internet, mais des millions de Japonais - en particulier les personnes âgées - préfèrent encore le papier”, explique Ono Hiroshi. Les efforts du Fukushima Min’yû pour conserver un réseau de distribution étendu et...
