
La jeune romancière nous a accordé un entretien dans lequel elle évoque son rapport à la littérature et au manga. Récompensée par le prix Akutagawa 2011, l’équivalent du Goncourt, pour son roman Kikotowa (voir la note de lecture) et par le prix des Deux magots, Asabuki Mariko est à 26 ans un des grands espoirs de la littérature japonaise. Pleine d’énergie et de finesse, elle nous a parlé des mots et des images. Quelle a été votre réaction en apprenant que vous étiez lauréate du prix Akutagawa et du prix des Deux magots ? A. M. : Sur le moment, j’ai été bien sûr très heureuse. Cependant, je considère que l’écriture d’un roman revient à adresser un paquet ou un ensemble de lettres à “vous”. Dès lors, j’ai l’impression que ces prix matérialisent le fait que ce paquet est finalement arrivé à destination . Qu’est-ce qui vous influence lorsque vous écrivez ? A. M. : Lorsque j’écris, je ne tiens pas compte de ce qui se passe au niveau de la littérature de façon générale. Je suis en face de mon texte et je ne m’intéresse qu’à lui. Je ne veux pas être influencée par ce qui vient de l’extérieur. Néanmoins, on ne peut pas éviter le travail de lecture même lorsqu’on rédige. Dès lors, ce qui s’écrit dans la littérature japonaise, mais aussi dans celle venue de l’étranger, entre d’une façon ou d’une autre dans ma réflexion. Quel a été le livre que vous avez aimé le plus lorsque vous étiez enfant ? A. M. : Si je me limite aux livres qui ont exercé sur moi une certaine influence, je citerai Life Story de Virginia Lee Burton [inédit en français] qui raconte l’apparition de la vie sur terre. Quand je l’ai lu étant petite, ce livre m’a fait beaucoup d’effet. Il avait un côté inquiétant. Pourtant il m’intéressait, car il établissait les lois de la nature alors que pour moi, il existait un certain chaos dans le monde qui nous entourait. Ce contraste me passionnait. C’est la raison pour laquelle j’ai aussi dévoré toutes sortes d’encyclopédies et que j’ai lu les livres de Stephen Hawking. Au niveau littéraire, je citerai Winnie l’Ourson d’Alan Alexander Milne qui n’a rien à voir avec la version de Disney. Je l’ai lu en deux fois. Quand j’étais petite, il me faisait peur. Je l’ai relu plus tard et j’ai alors pu l’apprécier. A l’âge de 10 ans, j’ai aussi lu Nansô Satomi Hakkenden [La Légende des 8 chiens du clan Satomi d’Awa, inédit en français] qui raconte l’histoire de huit guerriers portant chacun une tache de naissance et dont la mission consistera à sauver le clan Satomi. Ce livre est l’œuvre de Takizawa Bakin. J’ai découvert, en le lisant pour la première fois, que sur la couverture on avait indiqué “traduit en japonais”. Ça m’avait paru bizarre puisque l’auteur était lui-même Japonais. J’ai donc consulté le texte original auquel je n’ai pas compris grand chose. Cette expérience m’a appris que la langue était de nature changeante. On dit que vous êtes une grande fan de manga. Avez-vous eu envie d’écrire des scénarios ? A. M. : Je n’ai jamais eu l’expérience d’écrire pour des manga, mais si j’en avais la possibilité, j’en serais ravie, car cela me permettrait de dépasser le cadre très linéaire de la littérature. Quand on écrit un roman, il y a un début et une fin, et il est difficile de sortir du chemin qui les relie. Le roman est une forme d’expression temporelle et il est difficile de s’en échapper. En revanche, l’image peut sortir de cette limite temporelle. C’est pourquoi lorsque j’écris, j’essaie de faire surgir des images susceptibles de bousculer la linéarité de l’écriture....
