L'heure au Japon

Parution dans le n°27 (février 2013)

Proche de la centrale de Fukushima Dai-ichi et pourtant contaminée, la ville s’apprête néanmoins à être de nouveau habitée. Devant la mairie, un homme balaie les feuilles mortes. Aux alentours, la  ville est déserte, survolée par quelques oiseaux. “Odaka, c’est comme Tchernobyl. Vous connaissez Tchernobyl ?” Satô Akira est un ancien habitant de ce quartier de Minami-Sôma, situé à 13 km de la centrale de Fukushima Dai-ichi. Il ne connaissait pas non plus “Tchernobyl” avant de  se retrouver du jour au lendemain réfugié nucléaire et découvrir un an plus tard sa ville de 13 000 habitants hantée par des sangliers et des singes. “Plus personne ne reviendra vivre ici, et même si c’était le cas, cela prendra 10 ans.” Odaka faisait partie du périmètre interdit des 20 km autour de la centrale jusqu’à ce que le gouvernement déclare en avril 2012 que la ville ne présentait plus de radioactivité anormale et pouvait donc être réhabilitée d’ici deux ans. Dans une ambiance médiatique enthousiaste, le maire de la ville a appelé ses concitoyens à revenir pour nettoyer et réparer leurs maisons touchées par le séisme, en vue d’un “retour à la normale”. Une initiative que beaucoup trouvent risquée alors que les travaux de décontamination ont à peine commencé, et que la centrale accidentée de Fukushima Dai-ichi continue de dégager des substances radioactives. “Maintenant, il y a un bus qui vient tous les jours déposer les gens à Odaka puis les ramener avant la nuit à leur logement provisoire de Kashima. Nous n’avons pas le droit de dormir ici. D’ailleurs qui voudrait passer la nuit là, il y a de quoi avoir des cauchemars !” M. Satô habite aussi dans un préfabriqué de Kashima, ce quartier nord de la ville de Minami-Sôma qui n’a pas été évacué. Depuis le mois d’avril, il revient régulièrement à Odaka pour nettoyer et redonner figure humaine à la ville. Une manière pour lui de lutter contre le désespoir. Le 12 mars 2011, après la fusion d’un, puis de trois réacteurs de Fukushima Dai-ichi, les habitants du périmètre 20 ont été évacués au petit bonheur la chance, parfois dans des zones plus contaminées que celles qu’ils avaient quittées. Les résultats du programme de surveillance de la radioactivité Speedy révèleront que les vents et les pluies avaient disséminé les particules radioactives sur un rayon de plus de 80 km. Ces données ont été cachées aux autorités locales de Fukushima aux lendemains de la catastrophe. “Heureusement pour le gouvernement qu’on n’a pas su la vérité tout de suite car sinon c’est toute la préfecture qui aurait pris la fuite !” ironise M. Satô. Il raconte que les 11, 12 et 13 mars, un vent chaud soufflait du sud alors que d’habitude en cette saison, c’est un vent du nord-ouest. “C’est pour cela que la ville de Fukushima à 60 km de là a aussi été contaminée.” La ville d’Odaka affiche de faibles radiations, mais elle est entourée d’une montagne contaminée, désignée dans le jargon nucléaire comme un “hotspot”. “Les habitants ne pourront pas y revenir. Ce n’est pas un hotspot mais un deadspot!  Hot ça donne une impression chaude tandis que là-bas, c’est juste la mort”, lance-t-il tout en retaillant furieusement les bosquets avec ses cisailles. Sur la rue principale, la plupart des vitrines des magasins sont cassées et...

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