L'heure au Japon

Parution dans le n°38 (mars 2014)

Spécialiste du Japon, Richard Samuels analyse la situation du Japon trois ans après les événements du 11 mars 2011. Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 et le tsunami  qui l’a accompagné a frappé le nord-est de l’archipel, tuant 20 000 personnes et provoquant une réaction en chaîne à la centrale de Fukushima Dai-ichi. En raison de son ampleur et de ses conséquences politiques et économiques, la catastrophe a été considérée comme une chance pour réformer le pays et tourner la page de deux décennies de crise. Dans son livre 3.11: Disaster and Change in Japan, Richard Samuels relate les dix-huit mois qui ont suivi cet événement tragique tout en expliquant que cette opportunité de changement sans précédent n’a pas donné lieu à des améliorations substantielles. Il s’est confié à Zoom Japon. Jean Derome Votre livre est paru deux ans après la catastrophe. Compte tenu des événements qui se sont produits ensuite, auriez-vous écrit le même livre ? Richard Samuels :  A certains niveaux, il y a eu plus de changements que ce que j’avais observé, notamment dans le secteur énergétique où l’on assiste à une importante restructuration. Nous allons assister à un bouleversement au sein des grandes entreprises très structurées de façon verticale, ce qui va profiter à des structures plus petites. Il y aura une reprise du nucléaire, mais dans des proportions bien moins ambitieuses que ce que souhaitait initialement le gouvernement. Par ailleurs, l’autorité de régulation semble avoir plus d’influence que ce que l’on pouvait penser initialement. C’est une bonne surprise. On assiste aussi à des évolutions sur le plan de la politique de sécurité du pays, mais elles sont davantages liées à des facteurs extérieurs qu’à la catastrophe du 11 mars. Le premier facteur est l’attitude provocatrice de la Chine en mer de Chine. Le second est le retour au pouvoir d’Abe Shinzô qui a plus d’ambitions au niveau militaire. Les collectivités locales ont montré, quant à elles, leur implication en dépêchant des fonctionnaires dans les zones sinistrées. Même s’ils sont aujourd’hui moins nombreux, il reste tout de même dans cette partie du Japon près de 1 500 fonctionnaires envoyés après le 11 mars. C’est quelque chose de très important. Néanmoins, on a tout de même constaté une grande insatisfaction des Japonais à l’égard du gouvernement central, mais aussi des collectivités locales, en particulier dans cette partie de l’archipel. D’ailleurs, bon nombre de maires dans cette région ont perdu leur siège les uns après les autres lors des élections. C’est une conséquence que je n’avais pas anticipée dans mon livre. Quel jugement portez-vous sur le Parti démocrate ? A-t-il été incompétent, malchanceux ou un peu des deux ? R. S. :  Il n’a certainement pas eu de chance. Il est encore aujourd’hui un peu tôt pour porter un jugement définitif sur sa gestion de la crise, en particulier celle de l’ancien Premier ministre Kan Naoto. Il était déjà soumis à une grande pression de la part de son propre parti qui souhaitait le voir partir avant même le 11 mars. Il est donc devenu le grand méchant loup. La vraie question est de savoir s’il le méritait. La réponse est sans doute négative. D’ici 4 ou 5 ans, de nouvelles analyses permettront de comprendre qu’il a fait ce qu’il pouvait avec les moyens dont il disposait. Des erreurs ont bien sûr étaient commises, mais avant de quitter le ...

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