L'heure au Japon

Parution dans le n°02 (juillet 2010)

Il n’est pas toujours facile de transposer un manga sur grand écran. Mais avec une bonne dose de passion, tout est possible. Observateur attentif du cinéma japonais, Saitô Morihiko n’a pas sa langue dans la poche et rate rarement l’occasion de critiquer les films récents qu’il juge souvent de piètre qualité. Aussi pouvait-on s’attendre à un jugement sévère de sa part concernant Solanin, l’adaptation du manga éponyme signé Asano Inio.  “Je l’ai trouvée particulièrement intéressante. Par certains aspects, elle m’a rappelé le cinéma japonais des années 1970 quand celui-ci produisait des films consacrés à la jeunesse”, explique-t-il tranquillement, satisfait de constater que la production ne s’est pas contentée d’acheter des droits  pour faire un film sans âme. Ce n’est évidemment pas le cas de Solanin dont on sent qu’il a été porté par un enthousiasme général du début à la fin du projet. “J’ai découvert le manga quand il est sorti sous forme de livre en 2005”, se souvient Imamura Takako, la productrice du film qui travaille pour Asmik Ace Entertainment. “J’ai été séduite par la façon dont l’auteur a pu décrire le quotidien de ces jeunes, leurs amours, mais surtout leur quête de réussite qui est bien plus ancrée dans la réalité que d’autres histoires. Avant, quand on abordait des récits liés à la musique, la plupart du temps, cela se résumait à raconter les hauts et les bas des apprentis musciens jusqu’à ce qu’ils connaissent la gloire. Solanin a une approche radicalement différente où les personnages cherchent toujours à avancer malgré les difficultés pour atteindre leur rêve. Dans notre société actuelle où même avoir un rêve semble compliqué, je me suis dit que ce manga ferait un très bon film”, ajoute-t-elle. Il est vrai que l’œuvre d’Asano Inio est forte et se prête parfaitement à une adaptation si l’on fait un effort d’imagination pour prendre suffisamment de distance avec elle et en tirer le meilleur. L’omniprésence du doute tout au long du récit prend le lecteur aux tripes au fil des pages, suscitant l’émergence de sentiments contradictoires face aux situations que doivent affronter les personnages et à leurs réactions. La justesse avec laquelle l’auteur décrit la dureté de notre monde où la place laissée au rêve est de plus en plus restreinte ne laisse pas indifférent. Les dialogues aussi soignés que le dessin imposent aussi le respect et constituent un défi supplémentaire pour son adaptation cinématographique. Les producteurs ont bien saisi les difficultés qui surgiraient s’ils se contentaient de filmer le contenu du manga comme l’ont fait ceux qui ont adapté Ikigami de Mase Motorô ou 20th Century Boys d’Urasawa Naoki. Résultat d’un service minimum, ces deux films ont déçu, car ils n’ont pas réussi à exploiter la richesse des deux œuvres dont a été tiré leur scénario. Ce n’est pas le cas de Solanin qui a bénéficié d’un traitement particulier dans le choix de l’équipe qui l’a réalisé. “Ce qui est particulièrement important dans ce manga, ce sont les mouvements délicats de ces deux jeunes amants troublés qui vivent dans un tout petit appartement de Tokyo et l’émotion qui se dégage de la dernière scène de concert au cours de laquelle Meiko interprète la chanson écrite par son petit ami décédé. Nous avons donc confié à Takahashi Izumi la tâche d’écrire un scénario qui dépeint la douleur omniprésente au sein de la jeunesse et nous avons demandé à Miki Takahiro de se charger de la réalisation. Son expérience dans le domaine du clip vidéo et son aptitude à saisir les émotions liées à la musique nous ont confortés dans notre choix”, assure Imamura Takako. S’appuyant sur un solide scénario, Miki Takahiro a pu...

Réservé aux abonnés

S'identifier S'abonner

Exit mobile version