L'heure au Japon

Parution dans le n°137 (février 2024)

Kanze Yoshimasa, l'un des grands acteurs du théâtre nô, se produira à Paris les 23 et 24 février. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon La Maison de la culture du Japon à Paris accueille fin février l'une des meilleures troupes du théâtre traditionnel nippon. Les 23 et 24 février, la Maison de la culture du Japon à Paris (MCJP) accueille trois représentations de nô par la compagnie Kanze, de renommée mondiale. Le nô est une forme traditionnelle de théâtre japonais qui mêle danse, théâtre, musique et poésie depuis le XIVe siècle. Il fait partie intégrante de la culture japonaise et Kanze est l’une de ses cinq écoles traditionnelles.Zoom Japon s’est entretenu avec Kanze Yoshimasa au sujet des caractéristiques uniques du nô et des représentations à venir. Kanze-san est un shite-kata (un acteur qui joue le rôle principal dans une pièce) qui, depuis des années, forme des disciples dans tout le pays et à l’étranger et travaille activement à la diffusion du nô auprès d’une génération plus large.Le nô a toujours été un monde où les fils héritent de l’art familial, et Kanze-san a suivi les traces de son père, montant sur scène pour la première fois à l’âge de 2 ans, tandis que sa première représentation a eu lieu à l’âge de 5 ans. “Je faisais ces choses avant même d’être assez grand pour être conscient de ce que je faisais”, assure-t-il. “Je n’ai donc pas vraiment de souvenirs d’avant l’âge de cinq ans. J’ai vu des photos de ces premières représentations sur scène et j’ai entendu des histoires à ce sujet, mais je ne m’en souviens pas du tout. En grandissant, je me suis souvenu de quelques scènes spéciales, comme un petit numéro devant tout le monde lors de la cérémonie de remise des diplômes d’un jardin d’enfants, mais je ne me souviens pas de grand-chose avant cela”.Bien que, ou peut-être parce que, les acteurs de nô commencent leur apprentissage si tôt, ils absorbent lentement la technique nuancée et à multiples facettes de cet art en jouant des rôles d’enfants ko-kata. “Actuellement, il existe environ 200 pièces de nô. Parmi elles, 40 à 50 mettent en scène des enfants. En fait, entre un quart et un cinquième des pièces de nô exigent la présence d’enfants sur scène, de sorte que l’on peut dire que les enfants sont un élément essentiel de notre art”, explique-t-il.De nos jours, en raison de la baisse de la natalité et du phénomène de dépopulation, le système traditionnel des arts du spectacle, qui consiste à transmettre le métier des parents aux enfants est affecté. “J’ai 53 ans et j’appartiens à la génération dite des “boomers”. J’ai donc beaucoup d’amis qui ont à peu près mon âge. Cependant, lorsqu’il s’agit des jeunes générations, le nombre diminue. C’est pourquoi nous avons dû recruter des enfants en dehors de nos familles. Actuellement, l’association Nohgaku compte 1 000 membres actifs, et je ne suis pas sûr, mais je pense qu’environ 65 à 70 % d’entre eux ont un lien quelconque avec le nô, par exemple leurs parents ou des membres de leur famille sont des artistes de nô, tandis que les 30 à 35 % restants viennent de l’extérieur. A l’avenir, ce ratio évoluera progressivement, car de plus en plus d’éléments extérieurs entreront dans notre monde”, constate Kanze Yoshimasa.Il explique qu’il y a plusieurs façons de devenir un artiste professionnel même si l’on n’a pas de lien de parenté avec une famille issue de ce milieu. “Tout d’abord, vous pouvez passer une audition au Théâtre national de nô à Sendagaya, à Tôkyô. Les candidats retenus bénéficient de trois ans de formation de base et de trois ans de formation en cours d’emploi. Nous utilisons un système qui vous permet de devenir un professionnel complet en six ans, et il y a déjà des dizaines de personnes qui sont devenues professionnelles de cette manière”, explique-t-il.“Il est également possible de suivre l’ancienne méthode et de devenir l’apprenti d’un maître, soit en vivant avec lui, soit en suivant ses cours. Vous avez l’occasion de vous produire sur scène aux côtés d’autres acteurs, ce qui vous permet d’acquérir de l’expérience dans ce domaine et de devenir progressivement un professionnel. En tout, il faut compter cinq ou six ans avant de devenir un acteur à part entière. Selon le point de vue que l’on adopte, il peut y avoir des moyens plus rapides et plus efficaces d’acquérir des qualifications et de trouver un emploi dans un autre domaine. Cependant, dans le théâtre nô, après avoir suivi le processus que je viens de décrire, tout le monde devient professionnel et peut monter sur scène. Nous avons mis au point un système qui permet à chacun d’affiner ses compétences et de s’améliorer au fil des ans”.Si, à l’origine, le nô était réservé aux hommes, aujourd’hui, même les femmes peuvent entrer dans la profession. “Actuellement, environ 18 à 20 % des membres de l’association Nohgaku sont des femmes. Elles sont encore relativement peu nombreuses, mais leur nombre augmente. Elles sont généralement autorisées à jouer le rôle principal, le shite-kata, alors qu’il y a des parties du rôle où les obstacles sont encore un peu élevés pour les femmes, comme celles qui impliquent de jouer certains instruments, mais je ne doute pas qu’il y aura plus de femmes à l’avenir”, assure-t-il. “En fait, même ma fille suit cette voie. Elle a maintenant 13 ans, ce qui signifie qu’elle est en première année de collège et qu’elle étudie depuis qu’elle est toute petite, comme moi. Elle aime se produire sur scène, mais elle n’aime pas prendre des cours. Hier soir, par exemple, nous avons eu une répétition tardive, vers 22h30, pour un rôle que nous jouerons ce week-end. Mais ce n’était qu’une petite séance de 15 minutes. Comme vous le savez, les enfants de cet âge sont très occupés par leurs devoirs et leurs activités scolaires, alors je dois trouver un moyen d’améliorer ses compétences sans être trop dur avec elle pour qu’elle ne finisse pas par détester cet apprentissage”. Il faut faire preuve d'imagination pour lire l'expression qui se cache derrière les masques. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Pour ceux qui souhaitent devenir acteurs de nô, Kanze Yoshimasa affirme que commencer à un jeune âge est un avantage certain. “La limite d’âge actuelle pour s’entraîner au théâtre national de nô est...

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