L'heure au Japon

Parution dans le n°62 (juillet 2016)

Au printemps, chaque année, Kawasaki accueille des milliers de personnes qui viennent honorer les attributs sexuels. Au sanctuaire de Kanayama, une vingtaine de personnes sont réunies devant un autel où a été déposée une paire de phallus et de vagins moulés dans de la pâte de riz. Symbolisant la fertilité, ces attributs de notre intimité sont célébrés chaque année durant le Kanamara matsuri, une fête shintoïste qui attire plusieurs milliers de personnes près de la ville de Kawasaki, à une heure de Tôkyô. Mais pour sa 38e année, les gardiens du sanctuaire ont décidé de redonner un petit coup de spiritualité à la “fête du pénis” qui tendait à dériver vers d'autres sphères. Histoire des joies et déboires d'un matsuri (voir Zoom Japon n°52, juillet-août 2015) pas comme les autres. Nakamura Hiroyuki fend une rangée d’hommes en costume cravate et se poste devant l'autel en purifiant l'air de son onusa, un bâton décoré de banderoles de papier blanc. Cheveux de jais replié en chignon sous sa coiffe de prêtre et robe blanche descendant jusqu'aux mollets, il est le jeune héritier du sanctuaire shintô et compte bien remettre un peu d'ordre dans son matsuri. “Ces dernières années, notre fête a pris des proportions inespérées”, commence-t-il. “Cependant, je pense qu'elle s'est éloignée de son esprit initial.” En cette veille de fête, le sanctuaire est désert. Il n’y a que les prêtres et les sponsors venus faire le point de la situation. Situé sur l'ancienne route du Tôkaidô ou route des seigneurs qui reliait Kyôto à Edo (voir Zoom Japon n°51, juin 2015), ce quartier de Kawasaki organisait à l’époque d’Edo un matsuri pour protéger des maladies sexuellement transmissibles, particulièrement répandues chez les filles de joie qui accompagnaient les seigneurs sur la route. Une histoire qui a inspiré quatre siècles plus tard le Kanamara matsuri, devenu célèbre pour ses trois lingams sortis le jour de la fête. “Il y a de plus en plus de gens qui trouvent bizarre le fait que notre sanctuaire de Kanayama promène des phallus dans la rue. Mais n’oublions pas que la fertilité est célébrée dans le monde depuis la nuit des temps. Le Japon a toujours mis beaucoup de sérieux dans la pratique de ces rituels. Par exemple, on a même dit qu’il y avait un “dieu des toilettes” pour apprendre aux enfants à bien nettoyer les latrines, ce qui laisse penser à l’étranger que les Japonais font des dieux de n'importe quoi”, raconte-t-il. Le fameux “dieu des toilettes” avait fait l'objet d'un tube et d'un clip à succès où une grand-mère apprenait à sa petite-fille que les WC aussi étaient gardées par un dieu. Et au Japon, tout ce qui concerne dieu doit être bien nettoyé et bien entretenu. “Notre sanctuaire célèbre les dieux de Kanayama, c'est tout ce dont nous devons nous rappeler pour faire un bon matsuri demain”, conclut le jeune...

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