
“Si c'est lourd ? Regardez-moi ça”, lance-t-il le sourire aux lèvres en découvrant une énorme bosse qui déforme son épaule gauche. Un signe de prestige parmi les adeptes des matsuri. “Quand vous portez le mikoshi, vous portez dieu. Et malgré la fatigue, tous vos soucis s'en vont”, affirme-t-il fièrement. Vers midi, la foule s'est agglutinée en rangs serrés de part et d'autre du torii, le grand portique qui marque l'entrée du sanctuaire shintoïste. Des policiers quadrillent les carrefours pour bloquer la circulation tandis que le service d'ordre du matsuri assure le reste. “Poussez-vous ! Reculez, bon sang !” Les étrangers un peu choqués par ce manque de civilité japonaise reculent en grognant tandis qu’une nuée de smartphones tentent de saisir les premiers pas d’“Elizabeth”. Mais quelle déception quand elle apparaît enfin, posée sur un simple chariot, le gland pudiquement recouvert d'un voile blanc ! Sans états d'âme, Nakamura Hiroyuki marche en tête de la procession, l'air souriant, saluant les gens du quartier qui attendent le long du trottoir. Commerçants, salaryman, yakuza des alentours, femmes au foyer, tout le monde attend le passage du mikoshi de Kanamata, qui a volé la vedette à “Elizabeth”. Bientôt, le phallus en fer noir d'un mètre pointe son nez, porté par une marée humaine qui grossit au fur et à mesure que le mikoshi se rapproche des grands axes. On se piétine et on se bouscule pour avoir le privilège de porter le palanquin sacré, sous les regards parfois très dubitatifs des passants. “C'est bizarre !” dit en grimaçant Leona, une jeune ...
