L'heure au Japon

Parution dans le n°125 (novembre 2022)

Kondô Jôzô est le dernier fabricant de sauce soja de la capitale. La brasserie défend un savoir-faire ancestral. Fondée en 1908, la brasserie tente de survivre sous la direction de Kondô Hiroshi. / Kondô Jôzo Sous la gare de Tôkyô, se trouve un véritable labyrinthe de restaurants et de boutiques de souvenirs. L’une d’entre elles vend de nombreuses sortes de senbei (galettes de riz) du grand fabricant Sanshû Sôhonpo, parmi lesquels le Nihonbashi dashi musubisen en forme de triangle aromatisé avec une sauce soja fabriquée à Tôkyô.Curieux d’en savoir plus sur le fabricant de ce shôyu, nous avons emprunté un train de la ligne Chûô (voir Zoom Japon n°96, décembre 2019) au départ de cette même gare pour nous rendre à 50 kilomètres à l’ouest, au-delà du centre ville et des banlieues bondées. Après 80 minutes de trajet, nous arrivons à Akiruno, une ville située sur les contreforts des montagnes d’Okutama, qui jouit d’une nature luxuriante, de cours d’eau limpides et d’un air pur. C’est ici, non loin de la gare de Musashi-Hikida, que nous trouvons Kondô Jôzô, le seul fabricant de sauce soja de la capitale.Située à l’entrée de la vallée de la rivière Aki, cette minuscule entreprise a été fondée en 1908 et son président actuel, Hiroshi, brasseur de la quatrième génération, continue d’utiliser les techniques traditionnelles qui se transmettent au sein de la famille Kondô. “J’ai grandi dans ce petit monde, loin de la grande ville, en pensant qu’un jour je rejoindrais mon père dans l’entreprise de shôyu. Après avoir obtenu mon diplôme universitaire, où j’ai étudié la gestion, il m’a dit que si je voulais suivre ses pas, je devais d’abord voir le monde extérieur. Il m’a encouragé à suivre une formation dans une autre brasserie, et grâce à ses relations, j’ai pu apprendre le métier dans une entreprise de la préfecture de Miyagi, an nord-est de l’Archipel. J’y ai appris toutes les étapes, du début à la fin”, raconte-t-il.En 1997, Hiroshi a finalement rejoint la brasserie familiale, travaillant d’abord sous la direction de son père Isao. Il est aujourd’hui en charge des affaires générales, des ressources humaines et de l’assaisonnement de la sauce soja. “J’ai commencé par la fabrication, puis je me suis essayé à tous les aspects de la gestion d’une entreprise, notamment la gestion des magasins de vente directe, la livraison et la comptabilité”. La brasserie Kondô est une histoire de persévérance et de foi en son propre métier face à l’adversité. “A partir du début de l’ère Shôwa (1925-1989), la sauce soja a été de plus en plus fabriquée dans des usines modernes. L’utilisation de graines de soja dégraissées au lieu de graines de soja entières et l’application d’une nouvelle technologie de brassage, qui a réduit le processus de brassage d’un an à trois mois, sont devenues monnaie courante. En raison de la production de masse des grands fabricants, une sauce soja bon marché est devenue largement disponible, et le nombre de brasseries traditionnelles a diminué. Les années où mon père a repris l’affaire ont été particulièrement difficiles”, rappelle Hiroshi. “Il a même failli abandonner”.Dans les années 1960, c’est-à-dire à l’époque de la forte croissance économique, la situation du pays s’est rapidement améliorée et les gens ont commencé à ressentir un intérêt pour des produits de marque. “Il n’était plus très tendance de recourir à des produits locaux fabriqués par de petits producteurs traditionnels comme nous. J’ai entendu dire que nos clients, dont le nombre diminuait rapidement, demandaient à mon père de livrer notre shôyu la nuit, car si leurs voisins découvraient qu’ils achetaient encore chez nous, ils seraient embarrassés et ridiculisés.” Kondô Jôzô a choisi de miser sur les produits naturels pour fabriquer sa sauce soja. / Kondô Jôzo Pour rester dans l’air du temps, le père de Hiroshi s’est mis à utiliser du soja dégraissé et des additifs, mais les produits de sa petite entreprise ne faisaient pas le poids face au shôyu fabriqué en masse par des sociétés comme Kikkoman (voir pp. 16-18). Il a alors compris que la seule façon de rivaliser avec les grands fabricants était de faire ce que leurs puissants concurrents ne pouvaient pas faire. C’est dans cet esprit que Kondô Isao a décidé de revenir à l’essentiel et de revenir au soja entier domestique à l’ancienne, au brassage...

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