L'heure au Japon

Parution dans le n°43 (septembre 2014)

Créé il y a tout juste 50 ans, le magazine a non seulement influencé l’univers du manga, mais aussi la société japonaise. Il y a tout juste cinquante ans, le Japon s’apprêtait à tourner une page de son histoire. Tôkyô allait accueillir les Jeux olympiques et inaugurer le premier train à grande vitesse (shinkansen) du monde. Quatre mois auparavant, le pays avait fait son entrée dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), symbole de sa réussite économique à peine vingt ans après sa capitulation. Les Japonais ont travaillé dur pour reconstruire leur économie et pour revenir au niveau des puissances occidentales. En cette année 1964, ils obtiennent aussi le droit de voyager librement à l’étranger. Pour le Parti libéral-démocrate (PLD) qui dirige l’archipel depuis une décennie, tout va pour le mieux et il entend donner une image positive de l’archipel au reste du monde qui aura son regard braqué sur lui à l’occasion de la grande fête de l’olympisme. Pourtant, derrière le vernis, il subsiste de nombreux problèmes et il existe une frustration chez de nombreux Japonais oubliés de la croissance ou mécontents de la façon dont le pays est conduit. Déjà à la fin des années 1950 et au début de la décennie suivante, une partie importante de la population était descendue dans la rue pour manifester son opposition à la signature du traité de sécurité nippo-américain qui, selon elle, inféodait le Japon aux Etats-Unis. Dans les lycées et les universités, la grogne était forte non seulement à l’égard de la politique extérieure, mais aussi et surtout à l’égard des rigidités de l’enseignement. C’est dans ce contexte qu’apparaît un nouveau magazine consacré au manga. Garo, c’est son nom, est créé pour permettre notamment à l’un de ses fondateurs, Shirato Sanpei, d’expliquer aux plus jeunes que le monde dans lequel ils vont être amenés à évoluer est loin d’être un long fleuve tranquille. Bien au contraire, il est dur et il est indispensable de se battre pour qu’il devienne meilleur. C’est au travers de Kamui-den, une œuvre fleuve qu’il entend “éduquer” les plus jeunes. Car Garo ne s’adresse pas, dans un premier temps, à un public d’adultes ou de jeunes adultes. D’ailleurs, dès son numéro 2, le mensuel arbore fièrement la mention “junior magazine” pour montrer que les enfants sont ses principales cibles. L’un des personnages importants de Kamui-den est un enfant, Shôsuke, qui se comporte de façon exemplaire, en tentant de tirer vers le haut son village qui subit le joug des seigneurs. Une façon pour Shirato de tenter de séduire les jeunes lecteurs.  Mais les obstacles sont nombreux. Vendu 130 yens pour 130 pages, Garo est toutefois un peu cher pour eux si on le compare à Shônen Magazine ou Shônen Sunday commercialisés 50 yens dont les pages regorgent de héros positifs et de cadeaux. S’il ne trouve pas grâce auprès des plus jeunes, le magazine devient rapidement une lecture de référence parmi les étudiants, ce qui amène la direction à éliminer de sa couverture son appel au jeune public à partir de mai 1966. C’est un tournant important pour Garo qui voit aussi son contenu évoluer avec l’arrivée de nouveaux auteurs. Ces derniers ne s’adressent plus aux enfants. Les thèmes sont abordés de façon plus subtile qu’auparavant et font appel à la réflexion des lecteurs pour être...

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